Depuis jeudi soir, le tintamarre des cacerolazos («concerts de casserole») ne faiblit pas en Colombie. Il a encore retenti samedi et dimanche, assourdissant ou rythmant les mobilisations sur un drôle de son tropical, accompagnant des chansons révolutionnaires ou l'hymne national, dansant ou colérique, réalisés par de petits groupes à un coin de rue ou rassemblant des centaines et des milliers de personnes sur les grandes places de la capitale et de toutes les grandes villes du pays. Il devrait repartir de plus belle lundi avec la nouvelle manifestation convoquée par les syndicats et les différentes composantes du mouvement social qui protestent en masse contre le gouvernement d'Iván Duque, au pouvoir depuis quinze mois et dont la cote d'impopularité atteint déjà 69%.
La forte répression policière, les accusations de vandalisme visant à délégitimer le mouvement de la part des autorités ainsi que la décision autoritaire de décréter un couvre-feu et de militariser la capitale dans la nuit de vendredi à samedi – sans raison objective, mais générant un vent de panique – ont été les déclencheurs de cette forme de protestation inhabituelle en Colombie. Et comme l'écrit le politologue Yann Basset sur le site d'analyse en ligne la Línea del medio, le bruit des casseroles représente à la fois «un message de mécontentement contre le gouvernement mais aussi une revendication du caractère pacifique de la manifestation face aux groupes violents et à la répression policière».