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Coulisses de Bruxelles

Une nouvelle Commission européenne fragile politiquement

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Ursula von der Leyen devrait succéder à Juncker à la présidence de la Commission européenne dans les prochains jours. Mais le nouvel exécutif, contrairement à tous ceux qui l’ont précédé, ne disposera pas d’une majorité solide.
Ursula von der Leyen lors d'un discours à l'occasion du 30ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, à Berlin, le 8 novembre. (TOBIAS SCHWARZ/Photo Tobias Schwarz. AFP)
par Jean Quatremer, BRUXELLES (UE), de notre correspondant
publié le 25 novembre 2019 à 9h55

Le 1er décembre, Jean-Claude Juncker va pouvoir prendre une retraite bien méritée : avec un mois de retard sur le calendrier initial, Ursula von der Leyen va lui succéder à la présidence de la Commission européenne. C'est en effet mercredi que le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, devrait confirmer le nouveau collège de 27 commissaires. Un coup de théâtre est fort improbable, puisqu'il suffira qu'une majorité simple des seuls eurodéputés présents votent en sa faveur.

Une différence de taille avec le vote de confirmation de juillet : la présidente désignée par le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement avait alors dû réunir une majorité absolue des 748 eurodéputés, soit 374. Un seuil qu’elle n’a dépassé que de 9 voix, une partie des conservateurs du PPE, sa famille politique pourtant, et des socialistes ayant fait défection en profitant du vote à bulletins secrets ! Mais l’écart relatif était plus confortable avec 56 voix. Mercredi, sa marge devrait être supérieure : après le naufrage de la Française Sylvie Goulard, les principaux groupes politiques ont signé la paix des braves et devraient la soutenir, d’autant plus que cette fois le vote est nominal, ce qui rendra toute dissidence coûteuse…

Confortable majorité pour von der Leyen

De fait, le nouveau candidat français, Thierry Breton, a été confirmé par le PPE, les socialistes, Renew Europe (RE), le groupe macroniste, et les eurosceptiques d’ECR. Lors du vote de confirmation, il n’y a donc aucune raison que ces quatre groupes fassent défaut, ne serait-ce que pour confirmer les commissaires de leur famille politique. Cela assurera à von der Leyen une confortable majorité, d’autant que les Verts ont annoncé qu’ils s’abstiendraient. Il faut dire que von der Leyen a tout fait pour les séduire en s’engageant à nommer des écologistes dans les cabinets des commissaires, politisant un peu plus un exécutif européen qui est pourtant censé être neutre. Seules la gauche radicale et l’extrême droite devraient voter en bloc contre la nouvelle commission.

Certes, les Britanniques, qui sont toujours membres de l’Union au moins jusqu’au 30 janvier, n’ont pas désigné de commissaire ce qui aurait pu entraver la prise de fonction du nouveau collège. Mais pour éviter toute contestation sur sa légitimité, la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre le Royaume-Uni.

Parlement fragmenté et divisé

Reste que le nouvel exécutif, contrairement à tous ceux qui l’ont précédé, ne disposera pas d’une majorité solide. Le renvoi de trois candidats commissaires, un record, a montré à quel point le nouveau Parlement est fragmenté et surtout divisé : il n’y a toujours pas l’ombre d’un accord de législature entre le PPE, RE et les socialistes. Ceux qui voteront pour la Commission von der Leyen le feront en grande majorité à contrecœur essentiellement pour ne pas ajouter une crise européenne aux crises politiques que traversent plusieurs Etats membres, du Royaume-Uni à l’Allemagne en passant par l’Italie et l’Espagne. Le nombre d’abstentions fournira un bon indicateur de l’enthousiasme que suscite la nouvelle commission. Autrement dit, il faudra qu’Ursula von der Leyen arrache une majorité texte par texte, amendement par amendement… Alors qu’il est fort probable que l’Union affronte une nouvelle crise économique dans les cinq ans, elle ne s’est pas dotée d’un équipage capable de tenir la barre en pleine tempête.