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Libération
Le Libé des auteurs jeunesse

Le gouvernement maltais rattrapé par l'affaire de la journaliste tuée

Plus de deux ans après l’assassinat de Daphne Caruana Galizia, en octobre 2017, le chef de cabinet du Premier ministre et le ministre du Tourisme ont démissionné mardi.
A La Valette, le 22 novembre. Au centre, le Premier ministre, Joseph Muscat. A gauche, son chef de cabinet, Keith Schembri, et à droite le ministre du Tourisme, Konrad Mizzi. (Guglielmo Mangiapane/Photo Guglielmo Mangiapane. Reuters)
par Xavier-Laurent Petit, auteur des Loups du clair de lune (ed. L'Ecole des loisirs) et Thomas Lavachery, Auteur du Voyage de Fulmir (ed. L'Ecole des loisirs)
publié le 26 novembre 2019 à 19h19

Plus de deux ans après l'assassinat de la journaliste et blogueuse Daphne Caruana Galizia, en octobre 2017, le gouvernement maltais est rattrapé de près par l'enquête. Après l'arrestation mercredi de l'homme d'affaires Yorgen Fenech, ce mardi ce sont deux membres du gouvernement qui ont démissionné : Keith Schembri, chef de cabinet du Premier ministre, et Konrad Mizzi, ministre du Tourisme. Celle que beaucoup surnommaient «un WikiLeaks à elle toute seule» enquêtait depuis quelques années sur la corruption et, depuis 2016, sur l'implication de personnalités politiques maltaises dans les Panama Papers. Elle avait tout particulièrement mis en cause la femme de l'actuel Premier ministre, Joseph Muscat.

«Il y a maintenant des escrocs partout où vous regardez. La situation est désespérée.» C'est ce qu'écrivait Daphne Caruana Galizia sur son blog une heure à peine avant de succomber dans un attentat à la voiture piégée. La disparition de la journaliste avait soulevé une vague d'émotion non seulement à Malte, où des milliers de personnes avaient manifesté à l'annonce de sa mort, mais également en Europe et dans le monde entier.

Pression de l’opinion

A la demande de la famille, ni la présidente de la République, ni le Premier ministre n’avaient assisté aux funérailles. Peu enclin à faciliter l’enquête, le pouvoir avait fini par céder à la pression de l’opinion, allant même jusqu’à accepter l’aide du FBI et proposer une récompense d’un million d’euros à qui apporterait des éléments décisifs. Trois hommes avaient été arrêtés dans la foulée, en décembre 2017. Suspectés d’être les poseurs de bombe, ils n’ont toujours pas été jugés.

Le 14 novembre, l’enquête qui semblait s’enliser a brusquement rebondi avec l’arrestation, dans le cadre d’une tout autre affaire, de Melvin Theuma, chauffeur de taxi et usurier. Il aurait joué le rôle d’intermédiaire entre les trois suspects et le(s) commanditaire(s) de l’assassinat. C’est par lui que le nom de Yorgen Fenech, homme d’affaires proche du pouvoir, a surgi dans l‘enquête. Magnat de l’hôtellerie et de l’énergie, Fenech s’est retrouvé à plusieurs reprises dans le collimateur de Daphne Caruana Galizia. Elle le soupçonnait d’être, via sa société offshore «17 Black», au cœur d’un vaste système de corruption mettant en cause plusieurs membres du gouvernement maltais.

Réaction en chaîne

Arrêté à l'aube du 22 novembre, alors qu'il tentait de fuir à bord de son yacht, Yorgen Fenech a immédiatement demandé l'immunité judiciaire en échange des informations qu'il détient… et n'a pas attendu la décision, pour impliquer Keith Schembri, chef de cabinet du Premier ministre. Poussé à la démission, Schembri a aussitôt été convoqué par la police, qui a également perquisitionné son domicile. Réaction en chaîne : la démission du ministre du Tourisme, Konrad Mizzi, est intervenue plus tard dans la journée, tandis que Chris Cardona, ministre de l'Economie, annonçait son «retrait provisoire du gouvernement».

Même s'il n'est pas directement mis en cause, l'affaire se rapproche de Joseph Muscat, lequel exclut pour l'instant toute idée de démission. Celui que Daphne Caruana Galizia accusait d'avoir fait de Malte une «île mafieuse», argue de son bilan économique et de la nécessité d'assurer la stabilité politique du pays pour se maintenir en place. Sa position sera-t-elle longtemps tenable ? Matthew Caruana, fils de Daphne, poursuit le combat de sa mère et exprime une opinion de plus en plus répandue dans l'archipel : «Nous sommes un peuple en guerre contre l'Etat et le crime organisé.»