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Meurtre

Le Premier ministre maltais emporté par l'affaire Daphne Caruana Galizia

Après de multiples rebondissements dans l'enquête sur le meurtre de la journaliste qui mettent en cause ses proches, Joseph Muscat a annoncé sa démission dimanche soir. Elle ne sera effective que mi-janvier.
Manifestation devant la cour de justice à la Valette à Malte, dimanche. (DARRIN ZAMMIT LUPI/Photo Darrin Zammit Lupi. Reuters)
publié le 2 décembre 2019 à 15h49

Joseph Muscat a fini par céder. Accablé de critiques pour ses multiples ingérences dans l'enquête sur la mort de la journaliste d'investigation Daphne Caruana Galizia, le Premier ministre maltais – 45 ans et aucun échec électoral au compteur – a annoncé sa démission dimanche soir. Elle sera effective mi-janvier, une fois son successeur choisi par le parti travailliste. Dans l'intervalle, le chef du gouvernement a affirmé qu'il se contenterait d'expédier les affaires courantes.

La position de Joseph Muscat est fragilisée depuis l'arrestation le 20 novembre de Yorgen Fenech, important magnat du jeu et de l'immobilier, suspecté d'avoir organisé le meurtre de la journaliste. L'homme d'affaires accuse quant à lui Keith Schembri, chef de cabinet du Premier ministre jusqu'à une date récente, d'avoir été le «cerveau» du meurtre. Keith Schembri et Joseph Muscat avaient été épinglés à de multiples reprises par Daphne Caruana Galizia. La journaliste avait notamment révélé l'existence de compagnies panaméennes off-shore appartenant à Schembri dans le cadre de l'enquête sur les «Panamá Papers» et accusé la femme de Muscat d'être la bénéficiaire d'une société écran domiciliée elle aussi au Panamá, sur les comptes de laquelle 1 million de dollars aurait été versé depuis l'Azerbaïdjan.

Ami de longue date

Accusé d'avoir laissé prospérer une culture de l'immunité sur l'île, le Premier ministre est surtout visé par l'opposition, la société civile et la famille de Daphne Caruana Galizia pour ses liens avec Keith Schembri. Joseph Muscat a toujours défendu son ami de longue date, bien que celui-ci soit impliqué dans plusieurs scandales de corruption. Il lui a même donné accès aux briefings des services secrets portant sur l'enquête sur la mort de la journaliste, qui l'ont tenu au courant des moindres avancées des investigations. Keith Schembri a fini par démissionner dans la nuit du 25 novembre avant d'être arrêté quelques heures plus tard. Une arrestation sans conséquences puisque l'ancien directeur de cabinet a été libéré au bout de 48 heures sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui. Dans la foulée, Joseph Muscat a décidé de ne pas accorder l'immunité que Yorgen Fenech avait demandée, en échange de révélations sur les liens entre Schembri et le meurtre.

«Son maintien au pouvoir est intolérable»

Pour l'opposition, comme pour la famille de la journaliste, la décision du Premier ministre travailliste de quitter le pouvoir en janvier n'est pas suffisante. «[Joseph Muscat] n'a pas réussi à comprendre que le meurtre de Daphne Caruana Galizia a eu lieu à cause de l'effondrement des institutions du pays […], parce que ses proches se pensaient au-dessus des lois, a affirmé Adrian Delia, le chef du parti nationaliste, la principale formation d'opposition. Il n'aurait jamais dû s'impliquer dans des enquêtes concernant des personnes qu'il a passé des années à protéger.» Pour la famille de Daphne Caruana Galizia, «Muscat a repoussé sa démission pour continuer à se protéger et à couvrir Keith Schembri». «Son maintien au pouvoir est intolérable pour tous ceux qui se préoccupent de justice, poursuit-elle dans un communiqué. Jusqu'à ce qu'il quitte le pouvoir nous userons de tous les moyens légaux pour que Muscat ne soit plus impliqué dans l'enquête, autrement que comme suspect.» Ce soir, les fils et les proches de la journaliste devraient à nouveau être au premier rang d'une manifestation qui aura lieu, comme presque tous les jours depuis le 20 novembre, sous les fenêtres du Premier ministre.