A moins d'un très improbable retournement de situation d'ici minuit, les Israéliens retourneront aux urnes dans trois mois pour la troisième fois en moins d'un an. La date a même déjà été choisie, ce sera le 2 mars. C'est le seul compromis sur lequel ont su s'entendre les principaux partis, incapables pour le reste de former un gouvernement depuis la sortie des urnes mi-septembre.
Aucune coalition majoritaire n'ayant émergé, la Knesset va donc automatiquement se dissoudre dans la nuit de mercredi à jeudi. S'ouvrira alors le troisième round du match qui oppose le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, sous le coup d'une triple inculpation, et son principal opposant, l'ancien chef d'état-major Benny Gantz, à la tête d'un bloc hétéroclite «tout sauf Bibi», allant du centre droit aux partis arabes.
Entre les deux Benyamin, Israël balance
S'il ne peut s'en vanter à haute voix, ce nouveau scrutin est pour Nétanyahou une petite victoire, sous la forme d'au moins trois mois de rab à la tête de l'Etat. Après deux élections où il a échoué à former une majorité, le Premier ministre intérimaire est devenu le champion des manœuvres dilatoires visant à perpétuer le blocage qui enserre les institutions du pays depuis un an.
Si cette posture d'homme en sursis a quelque peu émoussé sa stature internationale et grandement limité son pouvoir législatif, elle lui permet de tenir tête à ses opposants. Et surtout à la justice. En Israël, à la différence des autres ministres mis en examen, le chef du gouvernement n'est pas légalement obligé de démissionner tant qu'il n'a pas été condamné définitivement. Mais depuis des mois, les médias israéliens avancent l'hypothèse d'un ultime marchandage en cas de procès imminent : le Premier ministre, qui risque la prison, pourrait proposer sa démission contre une forme de pardon.
D'ici là, Nétanyahou vise la réélection. S'il espère galvaniser le soutien de sa base avec sa virulente rhétorique dénonçant une tentative de «coup d'Etat» ourdi par la gauche avec l'aide des juges, des médias et des citoyens arabes, Nétanyahou doit néanmoins faire face à une opinion publique révulsée à l'idée d'un nouveau vote. D'autant plus connaissant la facture, estimée à 450 millions d'euros, alors que les services publics, à commencer par les hôpitaux, souffrent de dangereux déficits.
Celui que ses supporters appellent encore le «roi Bibi» devra aussi en passer par une primaire au Likoud, son leadership étant contesté par Gideon Sa'ar, un ancien ministre cherchant à le déborder par sa droite. Coqueluche d'une partie des médias de droite, Sa'ar soutient l'idée que la fragilité de Nétanyahou met en péril la longue domination du Likoud sur la scène israélienne. Le vote interne, a priori sans grand danger pour Nétanyahou, se tiendra le 26 décembre.
De leur côté, Gantz et ses généraux (au sens propre, trois des quatre premiers noms de sa liste sont d'anciens chefs d'état-major) ont révisé leur plan de bataille. Yaïr Lapid, son clivant numéro deux, héraut des laïcs, a accepté de faire une croix sur une rotation à la tête du pouvoir en cas de victoire, laissant à Gantz le statut incontesté de chef de l'opposition.
En fustigeant Nétanyahou pour son refus d'abandonner son immunité en échange de la formation d'un gouvernement d'union, Gantz a amélioré sa cote de «premier-ministrable». Dans les sondages, il devance désormais de 1 point Nétanyahou. Mais aucune étude d'opinion ne donne encore à l'un des deux Benyamin – «Bibi» ou «Benny» – une majorité de 61 sièges, signe que le brouillard institutionnel n'est pas près de se lever en Israël.
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Des élections en Palestine… sous condition
Cette boulimie électorale a peut-être donné des idées aux Palestiniens, qui n'ont pas voté depuis 2006. Les rumeurs d'un double scrutin, législatif et présidentiel, bruissent depuis plusieurs semaines. Certes, devant l'assemblée générale de l'ONU fin septembre, Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité palestinienne (AP), avait déjà annoncé son intention d'organiser des élections dans les Territoires palestiniens, sans s'avancer sur une date. Mais les chancelleries avaient pris l'annonce avec circonspection.
Le «raïs» octogénaire, dont le mandat a officiellement expiré il y a dix ans, a toujours trouvé un prétexte pour repousser les échéances démocratiques, conforté par Israël, qui se satisfait de ce statu quo. Abbas a néanmoins été pris de court par la réponse positive du Hamas à ses déclarations, les maîtres de Gaza se disant prêts à se soumettre au vote. «Il y aura trois élections décisives pour la région en 2020 : aux Etats-Unis, en Israël… et en Palestine !», s'est enthousiasmé le négociateur en chef Saeb Erekat mardi soir, lors du dîner annuel de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP).
Reste un obstacle de taille – ou une excuse toute trouvée, raillent les pessimistes. Pour Mahmoud Abbas, le scrutin n'aura lieu que s'il peut aussi se tenir à Jérusalem-Est, comme ce fut le cas par le passé. Mardi, son cabinet a envoyé une requête officielle en ce sens au gouvernement israélien. La demande a peu de chances d'aboutir. Ces derniers mois, les autorités israéliennes ont réprimé sans relâche toute activité politique liée à l'AP à Jérusalem, allant jusqu'à faire interdire un tournoi de foot ayant reçu une subvention de Ramallah. En pleine surenchère droitière et libéré d'une quelconque pression venue de Washington, il paraît impensable de voir Nétanyahou – ou son successeur – laisser l'AP installer des bureaux de vote à Jérusalem.