Le cas espagnol est typique de la procrastination sur le délicat sujet des retraites. Vivant dans une instabilité électorale permanente (quatre scrutins généraux en autant d’années), aucun gouvernement n’est en mesure - ni n’a le courage - de s’attaquer de façon structurelle à ce dossier sensible. Et ce, même si tous s’accordent à en reconnaître l’impérative nécessité, la dernière grande réforme remontant à 1985.
L’actuel Premier ministre en fonction, le socialiste Pedro Sánchez, s’est contenté l’an dernier de maintenir le mécanisme en vigueur, basé fondamentalement sur le système de répartition, bien conscient que la situation ne fait que se dégrader d’année en année. Conséquence : le problème est reporté à plus tard. Pour l’heure, tout ou presque repose sur le système public, plutôt généreux, couvrant entre 80 et 85 % du salaire. Mais jusqu’à quand cela sera-t-il possible ?
L'évolution n'invite pas à l'optimisme. L'Espagne compte actuellement 8,2 millions de retraités, touchant une pension moyenne de 987 euros. Or la hucha («tirelire»), comme on dit ici, se vide à grande vitesse. Depuis 2015, les dépenses liées aux retraites ont augmenté d'environ 7 % par an, creusant le déficit de la Sécurité sociale, désormais proche de 18 milliards d'euros. Tous les experts pointent du doigt un horizon 2050 intenable si rien n'est fait : arrivée à la retraite de la génération des baby-boomers, espérance de vie encore plus élevée, 13,3 millions de retraités (soit deux actifs pour un retraité), nécessité d'y consacrer 16 % du PIB (contre 11 % aujourd'hui et 8,6 % en 2005). Le gouvernement admet que le déficit sera plus important que prévu en fin d'année, et reconnaît en coulisse que la tendance est périlleuse pour les finances publiques.
Les choses se compliquent pour Pedro Sánchez, dont le prochain allié au sein du gouvernement, la formation de gauche radicale Podemos, exige une retraite minimum à 1 050 euros garantie par la Constitution. Les solutions ? L'augmentation de l'âge de la retraite, tout d'abord. En 2011, les autorités l'avaient fait passer de 65 à 67 ans. Pas suffisant, disent les spécialistes. Le pays n'a pas, pour l'instant, pris le train des retraites complémentaires, et le sujet est politiquement quasi tabou. «La tendance pousse à dépenser chaque fois plus d'argent public pour soutenir le système des retraites, et cela nous mène au mur», souligne l'économiste Pilar González de Frutos. Tôt ou tard, de l'avis général, le débat sur les sources alternatives de financement devra s'ouvrir.