La victoire des conservateurs a révélé en partie l’ampleur des phénomènes indépendantistes. Politologue écossaise, spécialiste des nationalismes, Coree Brown Swan travaille au Centre pour le changement constitutionnel, à Edimbourg.
L’unité du Royaume-Uni est-elle menacée ?
Avec cette élection, on constate un soutien plus fort des Ecossais au Parti national écossais (SNP). Des questions se posent aussi en Irlande du Nord, où des nationalistes ont gagné une grande partie des sièges pour la première fois. Il y a aussi des débats plus larges sur le sujet au pays de Galles. Là-bas, il y a une montée de ce que certains appellent «l'indé-curiosité» : une appétence pour le fait d'imaginer un gouvernement souverain. Le futur du Royaume-Uni reste donc très incertain.
Le SNP a remporté un grand nombre de sièges au Parlement local : 48 sur 59. Cette victoire signifie-t-elle que les Ecossais souhaitent en finir avec le Royaume-Uni ?
On peut interpréter cette victoire comme un vote en défaveur du Brexit et une volonté de rester dans l'Union européenne. Ce n'est pas étonnant quand on sait que seulement 25 % des Ecossais ont voté leave en 2016. En Ecosse, la politique est très différente que dans le reste du Royaume-Uni : même si les unionistes sont encore très présents, il y a une volonté croissante de rester dans l'UE, qui implique un rejet de la politique conservatrice vis-à-vis du Brexit.
Qu’est-ce qui a changé depuis le référendum sur l’indépendance de 2014 ?
Il y a une forme d’aliénation par rapport à la politique anglaise de la part des électeurs écossais. Ils ne se reconnaissent plus dans les valeurs britanniques. On voit chez eux un rejet des partis nationaux, que ce soit le parti conservateur, ou le parti travailliste, qui est pourtant le parti historique en Ecosse. Il y a eu récemment un grand changement dans leurs politiques, surtout depuis le manifeste du SNP en 2016 qui promettait l’indépendance du pays. 50 % de la population se déclare en sa faveur, contre 45 % en 2014.
Quelles sont les chances d’un second référendum pour l’indépendance ?
C’est un peu trop tôt pour le savoir. Le SNP a promis de le demander, mais l’Ecosse ne peut pas tenir un référendum sans l’autorisation du gouvernement britannique, et donc de Boris Johnson. Le Premier ministre a affirmé qu’il était contre, arguant que les résultats du SNP ne sont pas un mandat pour un autre référendum. Mais, au vu des négociations qui avaient déjà eu lieu avec David Cameron, l’un de ses prédécesseurs, il y a quelques années, il va être obligé d’ouvrir le dialogue. Les discussions promettent d’être compliquées.
Des élections régionales se tiendront en 2021 en Ecosse. Est-ce qu’elles pourraient précipiter l’indépendance ?
Si un référendum n’a pas lieu l’an prochain, je pense que le SNP avancera l’argument que le vote en sa faveur à ces élections permettra de faire pression sur Londres. Cependant, cela fait longtemps que le SNP est en majorité en Ecosse, et il commence à y avoir des critiques vis-à-vis de son traitement des questions liées à la santé et à l’éducation. Il n’aura peut-être pas un soutien inconditionnel.
Quel sera l’avenir de l’Irlande du Nord avec le Brexit de Boris Johnson ?
Personne ne veut d’une frontière fermée et personne ne veut que l’Irlande du Nord quitte le Royaume-Uni. Mais cela pose des questions de mise en place de douanes entre la province et le reste du Royaume-Uni, ce qui contredirait la libre circulation au sein du pays. Ce sera une négociation moins compliquée, car le parti majoritaire en Irlande du Nord est le Parti unioniste démocrate (DUP), un parti conservateur qui soutient l’identité britannique. Mais la situation n’est pas jouée d’avance pour autant.