Armes à feu, couteaux, machettes : les détenus honduriens disposaient d'un imposant arsenal lors des massacres survenus vendredi et dimanche dans deux pénitenciers de ce petit pays d'Amérique centrale. Le bilan : 36 morts, 18 sur chaque site. A l'origine des tueries, la guerre à laquelle se livrent deux maras (gangs criminels) rivales, la Mara Salvatrucha (MS-13) et le M-18, autour du trafic de drogue derrière les barreaux.
Ces deux massacres dans les centres de détention de Tela et d’El Porvenir («l’avenir») interviennent peu après que le président hondurien, Juan Orlando Hernández, invoquant la nécessité d’enrayer une vague d’assassinats, a ordonné le 17 décembre à la police et l’armée de prendre le contrôle total des prisons du pays, où s’entassent plus de 21 000 détenus, pour une capacité de 6 000. Le Honduras compte un peu moins de 10 millions d’habitants.
«Académies du crime»
La décision présidentielle a été prise trois jours après l’assassinat de cinq membres du gang MS-13 dans la prison de haute sécurité de La Tolva. La veille, c’est Pedro Idelfonso Armas, le directeur de la principale prison de haute sécurité du pays, El Pozo I, qui avait été abattu. Il avait assisté peu auparavant à l’assassinat par des détenus de Magdaleno Meza, un trafiquant de drogue dont les aveux ont permis d’accuser le frère du président hondurien, Juan Antonio Hernández, par un tribunal de New York. Jugé coupable de trafic de drogue, il risque la prison à perpétuité.
L'avocat de Magdaleno Meza accuse le gouvernement d'avoir commandité l'assassinat de son client en représailles de sa collaboration avec la justice américaine contre le frère du Président. José Luis Pinto, un avocat qui avait défendu Meza et d'autres membres de cartels de la drogue extradés aux Etats-Unis, a lui été assassiné le 9 décembre. Les chefs du corps spécialisé de l'armée et de la police contre le crime organisé ont affirmé dimanche que les gangs ont déchaîné cette vague de meurtres dans les prisons afin d'«empêcher la prise de contrôle des centres pénitentiaires du pays», qualifiés d'«académies du crime».
Les prisons du Honduras sont réputées les plus violentes de la planète. En février 2012, 362 détenus avaient péri dans l’incendie de leur bagne à Comayagua. Deux autres incendies de centres pénitentiaires ont fait 107 morts en avril 2014 à San Pedro Sula, et 68 victimes en juin 2008, près du port de La Ceiba. Le Honduras est un des pays les plus dangereux du monde avec un taux de 40 homicides pour 100 000 habitants en 2018, après un record de 86,5 homicides pour 100 000 habitants en 2011, soit près de neuf fois la moyenne mondiale.
Cent mille «mareros» dans les trois pays du «triangle nord»
Les voisins du Honduras, le Guatemala et le Salvador, sont eux aussi confrontés à la violence des maras, groupes formés de jeunes délinquants expulsés des ghettos des Etats-Unis sous les mandats de Bill Clinton (1993-2001). Autour de 100 000 mareros seraient actifs dans les trois pays du «triangle nord» d'Amérique centrale, dont 70 000 pour le seul Salvador (6,4 millions d'habitants).
Au Guatemala, le chef de la MS-13 a lancé, depuis la prison où il purge une peine de 167 années de réclusion, un appel à la négociation au président de droite Alejandro Giammattei, qui doit prendre ses fonctions le 14 janvier. Dans une rencontre avec un journaliste du quotidien espagnol El País, celui qui se fait appeler «El Diabólico» propose un arrêt de la violence en échange de programmes de réinsertion et de formation pour les members des gangs, «parce que la société a assez souffert».