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Le portrait

Runa Khan, elle a bons fonds

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Issue d’une famille de sultans, cette entrepreuneure sociale bangladaise dirige Friendship, une puissante ONG qui gère des bateaux hôpitaux.
(Photo Marion Péhée pour «Libération»)
publié le 26 décembre 2019 à 19h21

L'aube humide jette sur le Brahmapoutre une lumière fantomatique. Le bateau hôpital, amarré à une île de cet immense fleuve, émerge de la brume. Il est 6h30, une heure étrange pour une interview. Mais Runa Khan, personnalité emblématique de l'entreprenariat social au Bangladesh, est une lève-tôt. Drapée dans un sari, une écharpe de soie sur l'épaule, collier de perles au cou, les pieds nus et les yeux soulignés d'un profond trait de khôl, son charme et son assurance semblent descendre tout droit de ses ancêtres maternels. Originaires d'Afghanistan, les Karrani ont été les derniers sultans du Bengale, au XVIe siècle, quand le delta du Gange était un royaume puissant et prospère, au rayonnement intellectuel. Pillages, guerres et famines transforment au fil des siècles la terre fertile en pays de misère. Runa Khan naît en 1958 à Dacca, dans ce qui est alors le Pakistan oriental, région musulmane tombée sous la coupe du Pakistan après la partition de l'Empire britannique des Indes. «Mes grands-parents venaient de milieux très favorisés. Nous n'étions pas richissimes, mais nous vivions à l'écart de la pauvreté. Ma mère était comme une fée dans une cage de verre. Elle n'avait aucune idée du monde extérieur. Elle ne disait jamais de mal de personne, c'était une âme et un cœur purs. Elle pouvait passer l'après-midi à prendre le thé avec une inconnue qui nous avait livré de la soupe.»

Protégée du chaos extérieur, la vie des trois enfants se fissure de l'intérieur.<