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Libération
Éditorial

Casus belli

publié le 3 janvier 2020 à 21h01

Donald Trump a présenté comme une grande victoire l'assassinat du général Qassem Soleimani, chef des unités d'élite iraniennes et sorte de proconsul de Téhéran en Irak. Ce pourrait être, aussi, une grande défaite pour l'équilibre de la région, voire pour la paix sur la planète. On ne portera pas le deuil de ce militaire sans pitié, bras armé d'une tyrannie obscurantiste, organisateur des opérations iraniennes les plus sanglantes au Proche-Orient. Mais cet exécuteur des hautes et basses œuvres des mollahs était aussi un habile politique, immensément populaire dans son pays, capable d'analyser froidement les rapports de force. Or, la géopolitique n'obéit pas aux mêmes règles que la vendetta. Le meurtre d'un haut responsable adverse, dignitaire d'un Etat constitué, quoi qu'on en pense par ailleurs, est un acte de guerre ouverte, de toute évidence disproportionné. Jadis, les Etats-Unis avaient ainsi abattu l'avion qui transportait l'amiral Yamamoto, héros national nippon et responsable de l'opération de Pearl Harbor. Mais c'était en plein conflit mondial. Ancien vice-président, candidat à l'investiture démocrate, Joe Biden ne s'y est pas trompé. Les Américains, a-t-il dit, ont jeté «un bâton de dynamite dans une poudrière». On peut comprendre l'ire de l'administration Trump, depuis que, sous la houlette du général Soleimani, des milices pro-iraniennes se sont attaquées à l'ambassade américaine en Irak. Mais la stratégie est une sorte de jeu d'échecs. Il faut prévoir le coup d'après. Déjà le meurtre du général a uni dans une même colère opposants et soutiens iraniens au régime de Téhéran, créant une sorte d'union nationale et renforçant les éléments les plus radicaux. L'attaque, en tout état de cause, oblige le gouvernement iranien à une réplique spectaculaire, même si son infériorité militaire l'incite à éviter - en principe - un casus belli manifeste. Cette terrible escalade a une origine : le rejet par Donald Trump de l'accord nucléaire conclu par son prédécesseur et par les Européens. Depuis, les flammes n'ont cessé de grandir dans la poudrière. Ainsi va le monde quand on confie les rênes de la première puissance planétaire à un irresponsable.