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Libération
Incendies

Australie : le Premier ministre sur la sellette

L'Australie en feudossier
Alors que d'immenses incendies incontrôlables continuent de ravager le sud-est de l'Australie, Scott Morrison multiplie les bourdes et voit gronder la population. Depuis ce week-end, il tente de sauver sa place.
Le Premier ministre australien, Scott Morrison, à Sarsfield (Victoria), vendredi. (Photo James Ross. AFP)
publié le 6 janvier 2020 à 9h30

Les gouttes de sueur qui perlent sur le front de Scott Morrison, le Premier ministre australien, ne sont pas dues aux feux sans précédent qui ravagent le sud-est de son pays. Mais plus sûrement au mécontentement qui gronde dans la population. Alors qu’au moins trois millions d’hectares sont toujours en flammes dans les Etats de Nouvelle-Galles du Sud, de Victoria et de Queensland, le chef du gouvernement, 51 ans, multiplie les bourdes, suscitant les critiques d’habitants et de pompiers épuisés par une saison des feux qui a démarré en septembre, bien plus tôt que la normale.

Une femme enceinte qui a perdu sa maison, un pompier volontaire en pause café dans sa caserne, les vidéos d’Australiens refusant de serrer la main de leur Premier ministre sont devenues virales sur les réseaux sociaux. Les vacances de Morrison à Hawaï, pour les fêtes, écourtées devant l’émoi général puis sa réception au nouvel an pour une équipe de cricket, alors que 24 personnes ont péri dans les incendies, ont crispé la population.

Tout comme son refus, depuis septembre, de débloquer plus de fonds pour la lutte contre les incendies, d’indemniser les milliers de pompiers volontaires sur le terrain ou même de déployer l’armée pour les aider. Il aura finalement cédé sur tous ces points début janvier.

Mais l'équipe du Premier ministre n'a pas résisté au montage d'une petite vidéo, publiée sur les réseaux sociaux samedi, en plein pic de chaleur, qui vante les efforts réalisés par le gouvernement. La réaction a été instantanée, et violente. «Combien nous a coûté ce spot de promotion ? […] Une fois encore vous êtes dans la communication, sans substance, intéressé par vous-même et non par la communauté», le tacle sur Twitter Kon Karapanagiotidis, le directeur d'une ONG australienne de protection des réfugiés.

Déni climatique

«Aucun dirigeant dans le monde n'est plus abject que le Premier ministre australien», saborde Nick Cohen, dans un éditorial pour The Observer, écartant les «tortureurs, meurtriers de masse, génocidaires et kleptomaniaques». Sur la chaîne de télévision publique australienne ABC, la désastreuse gestion de crise du Premier ministre est comparée à celle du président américain George W. Bush après l'ouragan Katrina, en 2005, et les deux jours qu'il lui a fallu pour quitter son ranch de vacances.

Lors d'une conférence de presse, samedi, le conservateur a affirmé que la population continuait de lui faire confiance. Mais les huées lors de son passage dans certaines villes sinistrées et les appels à manifester vendredi prochain laissent penser le contraire. A Sydney, un gigantesque dessin tagué par l'artiste Scott Marsh sur un mur de la ville représente Scott Morrison en chemise hawaïenne, un cocktail à la main et un bonnet de Noël sur la tête. Il s'exclame : «Joyeuse crise !»

«Un dessin mural se moquant du malencontreux voyage à Hawaï du Premier ministre Scott Morrison a permis de lever 50 000 dollars pour le Service rural des feux, d’après son créateur Scott Marsh.»

L'impopularité du chef de gouvernement est aussi le résultat de mois de déni sur les liens entre dérèglement climatique et les incendies monstres, bien que les scientifiques s'efforcent de clamer que la connexion est évidente. Il a aussi balayé les appels à cesser l'exploitation du très polluant charbon, dont l'Australie est friande, en estimant ces mesures demandées par les jeunes grévistes pour le climat, nombreux dans le pays, comme «dangereuses».

Alors que la saison chaude va se poursuivre encore plusieurs mois, et que vendredi, les températures devraient atteindre, de nouveau, les 40°C, beaucoup s’interrogent sur les capacités du Premier ministre à réussir à s’accrocher à sa place.