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CHRONIQUE «LE FIL VERT»

Tchernobyl : regard d'un photographe qui a vécu la catastrophe

Les éditions Les Arènes publie, en français, un recueil de photos d'Igor Kostine, témoignage photographique historique des premiers jours sur les lieux de la centrale nucléaire ukrainienne.
Des liquidateurs nettoient le toit du réacteur 3, quelques mois après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986. Ils ne restent que 40 secondes chacun, tant les radiations sont fortes. (Igor Kostin/Photo Igor Kostin. Sygma. Getty Images)
publié le 6 janvier 2020 à 17h22

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Ceux qui ont été passionnés par la série Chernobyl, seront fascinés par le recueil d'Igor Kostine. Le 26 avril 1986, le photographe survole la centrale ukrainienne en hélicoptère en proie aux flammes. Par le hublot de l'appareil ouvert, il prend une vingtaine de clichés de la catastrophe, vus du ciel. «Soudain, il n'y a plus aucun mouvement, plus rien de vivant en dessous de nous […]. Devant nous, un grand trou béant, comme une tombe ouverte», relate-t-il dans cet ouvrage de 240 pages, publié le 2 janvier aux éditions Les Arènes.

De retour à Kiev, où il vit, pour développer ses photos, il est stupéfié : toutes, sauf une, ne sont qu’écran noir. Il le comprendra plus tard, la radioactivité émanant de la centrale a effacé ses images. Ce jour-là, Igor Kostine réussit tout de même à publier l’unique cliché d’une des pires catastrophes environnementales du siècle. Pendant des années, il suivra l’évolution du site dévasté.

Né en Moldavie, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, le photo-reporter a grandi dans la misère de l’oppression soviétique. Ingénieur de formation, il s’est converti à la photographie par passion et a fini par travailler pour l’agence de presse Novosti comme reporter de guerre. Ses clichés lui auront valu plusieurs prix internationaux dont deux World Press Photo, avant son décès dans un accident de la route en 2015.

Des liquidateurs mesurent le niveau de radiation dans les environs de la centrale, après l’explosion. Leur niveau de protection est très faible. 

Photo Igor Kostin. Sygma. Getty Images

Aux côtés des survivants

Le recueil Tchernobyl, l'histoire vraie offre une plongée sans pareil, par 110 photos, dans l'enfer de «la liquidation de l'accident de la centrale de Tchernobyl», tel que l'a appelé sobrement le régime soviétique. De chapitre en chapitre, on vit l'évacuation dans l'urgence et l'incompréhension des populations, la mise en place du sarcophage, l'enterrement d'un village, la naissance d'un cheval à huit pattes, d'enfants malformés. On découvre les cimetières de machines radioactives à ciel ouvert, les villes fantômes, les campagnes contaminées où quelques habitants sont revenus vivre et mourir par amour pour leur terre. Enfin, la nature qui reprend ses droits…

Dans les jours qui ont suivi l'accident, Igor Kostine a vécu aux côtés des «liquidateurs» du site. «Au total, entre 600 et 800 000 personnes seront envoyées à la centrale, dont 500 000 soldats et officiers, parmi lesquels des réservistes, que l'on est allé chercher chez eux, à travers toute l'URSS, pour les emmener à Tchernobyl, décrit-il. La radioactivité est invisible, indorore, incolore. En Afghanistan ou au Vietnam, les soldats couraient le risque de prendre une balle, la douleur serait immédiate, terrible, elle pouvait tuer sur le coup, mais au moins on savait. Pas à Tchernobyl.»

Tchernobyl, l'histoire vraie, par Igor Kostine (ed. Les Arènes), 240 pages, 24,90 €.