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Crash

L’Iran reconnaît finalement avoir abattu l’avion ukrainien «par erreur»

Iran—Etats-Unis, l'escaladedossier
Après trois jour de déni, le régime iranien a admis qu'un de ses missiles a frappé le Boeing d'Ukrainian Airlines. Un général des Gardiens de la Révolution a déclaré endosser la «responsabilité totale» du drame, qui a fait 176 victimes.
Sur le site du crash, le 8 janvier. (AKBAR TAVAKOLI/Photo Akbar Tavakoli. AFP)
publié le 11 janvier 2020 à 6h40
(mis à jour le 11 janvier 2020 à 13h07)

Après trois jours de déni, l'Iran a finalement reconnu avoir abattu «par erreur» mercredi le Boeing 737 d'Ukrainian Airlines qui s'est écrasé peu après son décollage de Téhéran, et a présenté ses excuses. L'Iran regrette «profondément» ce crash, «une grande tragédie et une erreur impardonnable», a déclaré le président iranien Hassan Rohani. «L'enquête interne des forces armées a conclu que de manière regrettable des missiles lancés par erreur ont provoqué le crash de l'avion ukrainien», a-t-il rapporté sur Twitter.

Plus tôt, le ministre des Affaires étrangères iranien avait déjà exprimé «regrets, excuses et condoléances», tout en avançant que Washington n'était pas étranger à ce drame. Une «erreur humaine en des temps de crise causée par l'aventurisme américain a mené au désastre», a ainsi tweeté Mohammad Javad Zarif. Il faisait allusion à la tension provoquée par l'élimination le 3 janvier du général iranien Qassem Soleimani dans un tir de drone à Bagdad, sur décision du président Donald Trump, qui avait entraîné des tirs de missiles iraniens sur des bases abritant des soldats américains en Irak.

Les forces armées iraniennes ont expliqué que l'appareil avait été pris pour un «avion hostile». «Dans une situation de crise et sensible, le vol 752 d'Ukrainian a décollé de l'aéroport Imam Khomeiny [de Téhéran], et au moment de tourner, [a semblé se rapprocher] d'un centre militaire sensible» des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, selon leur communiqué, publié par l'agence officielle Irna. «Dans ces conditions», et à la suite d'une «erreur humaine, et de manière non intentionnelle, l'avion [a été] touché», ajoutent les forces armées. 176 personnes sont mortes.

Un général haut placé endosse la «responsabilité totale»

«Le responsable» de cette erreur va être traduit «immédiatement» en justice, a précisé l'état-major. Le coupable s'est auto-désigné en la personne du commandant de la branche aérospatiale des Gardiens de la Révolution iraniens. «J'endosse la responsabilité totale» de cette catastrophe, a dit le général de brigade Amirali Hajizadeh dans une déclaration télévisée. «J'aurais préféré mourir plutôt que d'assister à un tel accident», a-t-il ajouté.»

Il a expliqué qu'un soldat a pris l'avion pour un «missile de croisière» et a eu «10 secondes pour décider» sans pouvoir obtenir la confirmation d'un ordre de tir, en raison d'un «brouillage télécom»«C'était un missile de courte portée qui a explosé près de l'avion. C'est ce qui explique que l'avion a pu» continuer de voler, a encore déclaré le général.

Dans le même temps, le guide suprême d'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, a ordonné aux forces armées du pays de remédier à toute «négligence» et les a exhortées à faire le nécessaire «pour éviter la répétition de pareil accident», selon un communiqué publié sur son site internet.

Téhéran avait jusqu'alors catégoriquement nié la thèse, privilégiée par plusieurs pays, notamment le Canada, selon laquelle l'avion ukrainien aurait été touché par un missile. «Une chose est sûre, cet avion n'a pas été touché par un missile», affirmait encore vendredi le président de l'Organisation de l'aviation civile iranienne (CAO), Ali Abedzadeh. Mais cette certitude affichée était mise en doute par plusieurs éléments, notamment une vidéo d'une vingtaine de secondes, qui montrerait le moment où un missile frappe l'appareil.

Entretien avec le président ukrainien

L’Iran a invité Boeing, le constructeur américain de l’avion, à participer à l’enquête, ainsi que les Américains, les Canadiens, les Français et les Suédois à observer les méthodes de travail suivies par les Iraniens dans cette affaire.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et son homologue iranien, Hassan Rouhani, devaient par ailleurs s'entretenir par téléphone ce samedi. La présidence ukrainienne a d'ores et déjà estimé que Téhéran semblait vouloir mener une enquête «prompte et objective» «Nos spécialistes en Iran ont eu accès à toutes les photos et vidéos et aux autres informations nécessaires pour analyser les processus en cours à Téhéran», a-t-elle assuré.