Il est quinze heures à Montalbán, un quartier populaire de Caracas. C'est ici que Juan Guaidó a appelé les Vénézuéliens à se réunir après deux jours d'assemblées citoyennes dans tout le pays. Mais ce samedi, le rassemblement fait grise mine. Il n'y a que quelques centaines de personnes, surtout des militants. Gustavo, retraité, essaie de cacher son agacement : «Après tout ce qu'il s'est passé cette semaine, il faut se bouger là !»
Car s'ils se réunissent, c'est pour soutenir Guaidó dans sa bataille pour le perchoir de l'Assemblée nationale. Depuis le 5 janvier, un autre député d'opposition, Luis Parra, lui dispute son siège. Il s'est proclamé président avec le soutien des députés progouvernementaux, au terme d'une session chaotique qui s'est soldée par un vote à main levée lors duquel Guaidó et d'autres députés sont restés bloqués par l'armée à l'extérieur du Palais législatif. «Un coup d'Etat parlementaire», selon l'opposant, qui a finalement été élu, le soir même, par une centaine de parlementaires. Déjà habitué à vivre avec deux chefs d'Etat, le pays vit désormais aussi avec deux présidents au Parlement. L'un, Parra, mouillé dans un scandale de corruption et soutenu par Maduro, même s'il est de l'opposition. L'autre, Guaidó, suivi par une cinquantaine de pays, qui ont condamné sa tentative d'éviction.
Lors de la première session ordinaire, mardi, Guaidó a convoqué deux jours d'assemblées citoyennes et une grande manifestation. Sauf que depuis plusieurs mois, ses appels ne rassemblent plus grand monde. «Là c'est différent, les gens sont indignés par ce qu'il s'est passé», assure un militant de son parti, Voluntad popular.
Certes, partout on vocifère sur la «militarisation» de l'Assemblée. Mais cela ne suffit pas à ranimer l'amour pour l'opposant numéro 1 de Maduro. «Il a tout raté, s'énerve une étudiante sur la place Altamira. Il a créé tant d'espoirs mais rien n'a changé.» Dans ce haut lieu de l'opposition, il est désormais difficile de trouver un partisan de Guaidó.
A Montalbán, l'opposant tente de raviver la flamme tant bien que mal. «On va droit dans le mur… souffle un jeune militant du parti Primero Justicia. Je l'aime bien mais là, il faut avouer que les chavistes nous ont mis une sacrée claque.»