Un jardin trempé par la pluie. Un hamac. Une bien tranquille maison de Vila Madalena, le quartier bobo de São Paulo. Et puis ces trois hommes, Marcelo Cwerner, João Vitor Romano et Daniel Govino, trois écologistes traqués… pour leur combat en faveur de l’Amazonie. Dans le Brésil de Bolsonaro, tout peut arriver.
En 2017, ils ont formé une «brigade» de gardiens de la forêt pour donner l'alerte aux pompiers, «dont la caserne la plus proche est à 30 km». «Souvent, on était les premiers arrivés, voire les seuls à combattre le feu», reprend Marcelo. Puis leur vie a basculé.
«Escalade autoritaire»
Le 14 septembre, alors que tous les yeux sont tournés vers l’Amazonie en feu (le défrichement a bondi de 30% entre août 2018 et juillet 2019, le calendrier officiel), des pans entiers d’Alter do Chao partent en fumée. Les «brigadistas» prêtent main-forte à la défense civile et à l’armée. Loin d’imaginer qu’ils finiraient sur le banc des accusés.
Pour la police judiciaire de Santarém (la juridiction d’Alter do Chao), qui les a mis formellement en examen le 20 décembre, ils auraient agi pour susciter l’émoi international et empocher ainsi des dons. Une «enquête» forgée de toutes pièces, accuse leur avocat. Une sorte de réplique de l’offensive bolsonariste contre les ONG ? Les intéressés se taisent. La peur est là.
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Le Président avait lui-même accusé les ONG, et non les défricheurs, d'avoir incendié l'Amazonie. Pour l'éclabousser, voire pour «internationaliser» la plus grande forêt tropicale de la planète. «Il faudrait d'abord la nationaliser», ironise Daniel, pour qui «aucun gouvernement n'a jamais été bon pour l'Amazonie. Les Brésiliens ne connaissent pas leur forêt. Ils préfèrent aller à l'étranger, c'est plus facile». Une fois de plus, les institutions seront mises à l'épreuve d'une «escalade autoritaire». Car la balle est maintenant dans le camp du parquet fédéral, lequel met en cause, non pas les brigadistas, mais les grileiros, qui font main basse sur les terres publiques pour exploiter le potentiel touristique d'Alter do Chao. On interroge quand même les volontaires sur une écoute, certes fort peu concluante, dont se prévalent leurs accusateurs. Ça y est, le mal est fait et c'était le but : instiller le doute, discréditer ceux qui défendent la forêt.