Le Parlement allemand a donc choisi le statu quo. Jeudi, les députés d'Outre-Rhin ont voté en majorité contre un projet de loi du gouvernement allemand visant à introduire un consentement présumé du don d'organes. Porté par le ministre de la Santé, le conservateur Jens Spahn, ce projet proposait de considérer tous les citoyens allemands âgés d'au moins 16 ans comme des donneurs présumés. «Je vous demande à tous de dire oui à une culture du don», a-t-il demandé aux députés jeudi. Ces derniers ont choisi de ne pas répondre favorablement à sa demande, préférant une réforme plus douce, qui permettra au gouvernement de consulter les citoyens tous les dix ans.
En débat depuis avril, le projet de loi n’a pas laissé indifférent les Allemands. Pays le plus peuplé de l’Union européenne, l’Allemagne compte parmi les pays européens dont le taux de donneurs d’organes est très faible, soit 11,5 personnes par million d’habitants. En 2019, sur un total de 10 000 transplantations en attentes, seul les dons d’organes de 932 donneurs étaient disponibles. Un chiffre en baisse par rapport à 2018.
L’Espagne comme un modèle
Une situation qui s’explique, selon les défenseurs de la loi, par des failles liées au modèle actuel. En effet, en Allemagne, un citoyen n’est considéré donneur que s’il en a fait expressément le vœu. Ce modèle n’inciterait pas assez les Allemands à se pencher vraiment sur la question du don d’organe. Au sein de l’UE, la quasi-totalité des Etats membres ont adopté un système de consentement présumé. Une règle adoptée en Croatie et en Espagne, là où les taux de donneurs sont parmi les plus hauts de l’Union.
Pour autant, pas sûr que d’adoption d’une telle loi aurait permis de remédier à la pénurie de dons. Pour preuve : malgré le consentement présumé adopté depuis 1976, la France connaît elle aussi un déficit du nombre de donneurs.
Quant au succès du voisin espagnol, il tient surtout au maillage d’un réseau performant de bureaux spécialisés. De quoi informer efficacement les potentiels donneurs. Même chose du côté du Portugal et de Croatie. Le simple consentement présumé ne sauverait pas la situation allemande, avancent en substance les opposants à la réforme.
L’argument de l’éthique
Reste que le sujet n'est pas sans poser de problèmes éthiques. Les opposants à ce modèle citent notamment l'article 2 de la Loi fondamentale allemande qui garantit «l'intégrité physique» de tout citoyen. «C'est une atteinte aux droits fondamentaux», a plaidé la députée Verte Annalena Baerbock. Ajoutant que cette décision appartenait aux individus et non «à l'Etat».
Le camp adverse n'est pas en reste sur la question de l'éthique. Jeudi, lors des débats au Parlement, le député social-démocrate Karl Lauterbach s'est exprimé avec véhémence sur le sujet : «Ce n'est tout simplement pas éthique de vouloir prendre l'organe de quelqu'un d'autre, a fortiori quand on n'est pas prêt à dire non explicitement au don de ses propres organes.»