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Coulisses de Bruxelles

L'indépendantisme catalan divise les Verts européens

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«Querelles intracatalanes», survie du groupe, valeurs du groupe... La question de l'arrivée d'eurodéputés provoque un débat au sein des Verts du Parlement.
C'est la présence des eurodéputés et indépendantistes catalans Toni Comin et Carles Puidgemont qui crée le débat chez les Verts. (FREDERICK FLORIN/Frederick Florin. AFP)
par Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles
publié le 20 janvier 2020 à 6h30

Les indépendantistes catalans sont-ils radioactifs ? Si l’on en juge par l’embarras du groupe écologiste au Parlement européen, tel est bien le cas : son coprésident, le Belge francophone Philippe Lamberts, s’oppose à ce que les eurodéputés Carles Puigdemont, ex-président du gouvernement régional (generalitat) de Catalogne, et Toni Comín, son ancien «ministre», rejoignent son groupe, ce qui n’est pas du goût de sa composante régionaliste, l’Alliance libre européenne (ALE). Au point qu’une réunion de conciliation a été convoquée mercredi pour essayer de mettre tout ce petit monde d’accord. En cas de désaccord persistant, la décision reviendra à l’ensemble du groupe, ce qui pourrait le faire exploser en plein vol…

«Question de principe»

«Les Verts n'ont pas vocation à accueillir toute la galaxie des partis catalans, tranche Philippe Lamberts. Je n'ai pas envie d'importer au sein du groupe les querelles intracatalanes.» Une déclaration curieuse puisque le groupe ne compte qu'un seul eurodéputé catalan, en la personne d'Ernest Urtasun qui, de fait, n'est pas favorable à l'indépendance (tout en estimant qu'un référendum doit trancher la question). Le seul autre parti catalan présent dans le groupe Vert est l'ERC (gauche catalane), mais il est rattaché à l'ALE, la composante du groupe qui justement veut accueillir les deux indépendantistes catalans… Autre argument avancé par l'élu belge : Puigdemont (membre du Parti démocrate européen catalan, PDeCAT) et Comín (membre du Parti des socialistes de Catalogne, PSC) «ne partagent pas les valeurs du groupe», car ils ont été soutenus par la N-VA, le parti indépendantiste flamand, majoritaire en Flandre, qui «a dérivé vers l'extrême-droite».

Le patron de l'ALE, François Alfonsi (Femu a Corsica), ne l'entend pas de cette oreille : «Nous en faisons une question de principe», tonne-t-il. L'élu rappelle que «la N-VA a fait partie du groupe jusqu'en 2014» et qu'«on ne nous a pas consultés lorsque les Verts ont décidé d'accueillir en leur sein le parti Pirate tchèque, ce qui n'allait pas de soi». Position de principe, certes, mais aussi réaliste puisque le Brexit va réduire à presque rien l'ALE : sur sept élus, elle va perdre trois Ecossais et une Galloise… Elle espère bien que le remplaçant d'Oriol Junqueras, ancien vice-président de lu gouvernement régional catalan, condamné à treize ans de prison et déchu de son mandat de député européen par la Cour suprême espagnole début janvier, ainsi que l'indépendantiste catalane Clara Ponsatí, élue de la coalition Junts pel Sí («ensemble pour le oui»), l'une des députées supplémentaires accordées à l'Espagne après le Brexit, les rejoindront. Ce qui, avec Puigdemont et Comín, lui permettra de maintenir son poids actuel…

Signal désastreux

L’attitude de Lamberts suscite aussi un réel malaise parmi les Verts, en particulier chez les Français, surtout à l’heure où le départ du Royaume-Uni va faire passer le groupe de 74 élus à 67, le renvoyant derrière l’extrême droite. D’abord, si Puigdemont et Comín affichent une certaine proximité avec la N-VA, c’est parce qu’elle leur a accordé l’asile au nom de la solidarité régionaliste lorsqu’elle était le parti dominant du gouvernement belge. Tout le reste les sépare, tant sur l’immigration que sur l’écologie. Ensuite, beaucoup soupçonnent Lamberts d’importer les querelles belges au sein de son groupe, les écolos francophones étant les plus farouches opposants de la N-VA. Enfin, ne pas accueillir les indépendantistes catalans serait un signal désastreux, les Verts semblant soutenir la vendetta menée par des juges largement inféodés à la droite dure espagnole. A l’heure où le gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez, soutenu par l’ERC, a fait du règlement politique de la question catalane l’une de ses priorités.