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Libération
Récit

Disparitions au Mexique : une marche pour dénoncer une «catastrophe humanitaire»

Face à l’incurie de l’Etat, des proches de disparus s’organisent pour rechercher des fosses clandestines. Dimanche, ils vont interpeller la classe politique à Mexico.
Dans un funérarium de Mexico, en 2016. (Photo Sébastien Van Malleghem)
publié le 24 janvier 2020 à 19h06

Ce dimanche, les proches des disparus marcheront aux côtés du poète Javier Sicilia lors d’une manifestation pour la paix qui parviendra jusqu’au Zócalo, la place centrale de Mexico. Figure charismatique, Sicilia relance les mobilisations qu’il avait lancées en 2011 après le meurtre de son fils. Au terme d’une année 2019 très sanglante, avec plus de 34 000 homicides volontaires, les manifestants se feront entendre à l’extérieur du palais présidentiel occupé par Andrés Manuel López Obrador, qui s’était engagé à lutter contre la violence et les disparitions.

«Le Président minimise la gravité de la crise», déplore Guadalupe Aguilar, dont le fils José Luis a disparu en 2011 dans l'Etat du Jalisco (nord), l'un des plus violents du pays. Confrontée à la passivité des autorités, cette mère a pris les rênes de l'enquête sur le cas de son fils et, avec d'autres proches de disparus, a mis au jour la corruption des forces de police locales. Son collectif Familles unies pour nos disparus Jalisco (Fundej) remplira deux autobus pour rejoindre la manifestation. «C'est une excellente occasion pour interpeller le gouvernement : la situation est extraordinaire, alors il faut des efforts extraordinaires, mais il traîne !»

Ses paroles font écho aux mots de José Miguel Vivanco, directeur de Human Rights Watch en Amérique latine, qui dénonce l'aggravation de la «catastrophe humanitaire» au Mexique et le «désintérêt» du gouvernement pour les disparus. «Si des initiatives exceptionnelles ne sont pas adoptées, il n'y aura pas de résultats», a-t-il affirmé, proposant la formation d'une équipe de magistrats enquêteurs dédiée aux disparitions.

Plusieurs fois par semaine, les mères de disparus organisent des recherches de fosses clandestines. En février, la cinquième brigade nationale de recherche de disparus se tiendra dans l’Etat de Veracruz (est), avec la participation de 300 personnes issues des collectifs.

Si les autorités peinent à réagir, la jeunesse mexicaine, elle, s'émeut des disparitions. A l'initiative d'un groupe d'étudiantes de Mexico, le collectif Hasta Encontrarles («Jusqu'à les retrouver») peint des fresques de disparus sur les murs de la capitale. Le projet veut rendre visibles les visages de ceux qui sont recherchés. «Ma fille n'a pas disparu d'elle-même, quelqu'un l'a fait disparaître», dit Aide Hernández, mère de Natali, dont la fresque sera réalisée lundi, près de l'endroit où sa fille a disparu il y a un an.

Les jeunes mettent aussi les réseaux sociaux au service de la recherche des disparus, à l'instar de Luis Yerik Arámbula, étudiant en informatique de Monterrey (nord), créateur d'un bot, un programme qui génère des messages automatiques, qui diffuse massivement les publications des proches de disparus. «Toutes les demi-heures, le bot cherche automatiquement des messages alertant de disparitions et les retweete», explique Arámbula.

Mobilisée depuis la disparition en 2014 de 43 étudiants, jamais retrouvés, dans le sud du pays, la jeunesse est touchée de plein fouet par ce phénomène. Plus de la moitié des 60 000 disparus ont moins de 30 ans.