Menu
Libération
édito

Commercial de choc

publié le 29 janvier 2020 à 21h01

Encore et toujours, cette incrédulité qui prend le dessus. Trois ans après son entrée à la Maison Blanche, et un an avant une possible réélection, Donald Trump continue de dérouter. La présentation mardi soir à Washington de son «deal du siècle» censé mettre un terme au conflit israélo-palestinien laisse pantois, tant le président américain a endossé son costume de commercial de choc. Son plan de paix, c'est du «win-win», j'vous jure, tout le monde y gagne, un check et affaire conclue ! Il manque la signature des Palestiniens en bas de page ? Pas grave, ils comprendront leur bonheur après avoir testé le produit… On croit rêver, on se pince, les images de Clinton, Rabin et Arafat dans la tête. Mais c'est bien, à droite sur la photo (en l'occurrence, à droite dans le dessin, dans ce numéro spécial BD de Libé), un président américain en pleine procédure d'impeachment et un Premier ministre israélien en sursis politique parce qu'accusé de corruption qui s'assoient sans ciller sur des résolutions de l'ONU, enterrent de facto l'idée même d'un Etat palestinien, officialisent l'annexion par Israël des colonies et jettent sans barguigner le multilatéralisme dans les poubelles de l'histoire diplomatique. Rien que ça.

D'aucuns se rassurent en estimant que ce plan, sans base juridique internationale, est «mort-né» ; que Nétanyahou est trop affaibli pour en appliquer la moindre ligne ; que la solution «à deux Etats» reste l'expression majoritaire dans les réactions internationales à ce faux «deal du siècle». Sauf que la faiblesse précisément des réactions internationales à l'oukase américano-israélien interroge, comme d'ailleurs l'ambiguïté des commentaires de certains pays arabes dans la région, trop dépendants sans doute de la tutelle américaine pour s'opposer à Trump. Enfin, les divisions et in fine la faiblesse de l'Autorité palestinienne laissent le champ libre à cette stratégie trumpienne de pousser le bouchon le plus loin possible, en faisant le pari, à défaut de croire à l'application stricto sensu de son plan, qu'il en restera quelque chose. Le pire est qu'il a sans doute raison.