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Libération
CHRONIQUE «A L'HEURE ARABE»

Où en est le droit à l’avortement au Maroc ?

A l'heure arabedossier
Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes. Aujourd’hui, la légalisation partielle de l’IVG au Maroc.
Une manifestation, à Rabat le 9 septembre, en soutien à Hajar Raissouni, journaliste de 28 ans condamnée pour avortement avant d'être graciée par le roi. (FADEL SENNA/Photo Fadel Senna. AFP)
publié le 1er février 2020 à 16h42

L’élargissement du droit à l’avortement était devenu un mirage au sein du royaume. Après quatre ans de blocage des amendements, les députés membres de la commission de la justice et de la législation se sont enfin mis d’accord sur ce volet. L’interruption volontaire de grossesse devrait être autorisée en cas de viol, d’inceste et de malformation du fœtus ou de troubles psychiatriques de la mère, à condition d’entamer une procédure judiciaire.

La légalisation partielle de l’avortement est la réforme qui dort dans les tiroirs de l’hémicycle depuis plusieurs années alors que le roi du Maroc, Mohammed VI en personne, avait ouvert ce chantier en 2015. Malgré une proposition de loi qui a été adoptée en Conseil de gouvernement, le projet a traîné. En cause ? Son intégration au sein d’une réforme beaucoup plus large du code pénal. Dans sa mouture actuelle, le code pénal prévoit jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour une femme ayant recours à l’avortement de manière illégale et d’un à cinq ans pour les médecins pratiquant un avortement.

«Je suis scandalisé que le Maroc applique une loi qui date des années 60 et n'a plus rien à voir avec la société actuelle. La répression se durcit : en 2018, il y a eu 73 personnes poursuivies pour délit d'avortement», expliquait en septembre le gynécologue obstétricien et président de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin, Chafik Chraïbi, au moment de l'affaire Hajar Raissouni.

Pour «la santé mentale et sociale»

La condamnation de cette journaliste de 28 ans à un an de prison ferme pour «avortement illégal et sexe hors mariage», avant d'être graciée par le roi, a lancé au sein de la société civile un véritable débat sur la légalisation de l'avortement et aussi sur les libertés individuelles. L'enjeu aujourd'hui est de porter ce débat jusqu'au Parlement. C'est pourquoi le Conseil national des droits humains (CNDH, un organisme officiel) lui a adressé un mémorandum plaidant pour un élargissement de ce droit, en cas de menace pour «la santé mentale et sociale». Mais le chef du gouvernement, Saad-Eddine El Othmani (PJD), a déclaré, dès le lendemain, qu'il ne renoncerait pas au «référentiel islamique» du pays.

Le collectif marocain des «hors-la-loi», créé après l'affaire Raissouni, a de son côté déposé la semaine dernière une pétition au Parlement, réclamant que «toutes les infractions pénales portant sur les libertés individuelles» soient retirées du code pénal.

Cet assouplissement de la loi vis-à-vis de l’avortement est en soi une bonne nouvelle, même si les acteurs de la société civile espéraient sa légalisation totale.