Jusqu’à présent, c’était insidieux. Une petite frustration ici, un oubli malencontreux là. Mais la tension est montée lundi entre Downing Street et les journalistes politiques britanniques. Le «lobby», comme est baptisé ce groupe d’une quarantaine de reporters accrédités, a violemment réagi à la tentative des services du Premier ministre de sélectionner certains d’entre eux et pas d’autres pour un briefing sur les négociations post-Brexit avec l’UE. Leur riposte a été spectaculaire, puisqu’elle s’est déroulée dans l’entrée de la résidence du Premier ministre, Boris Johnson, et s’est conclue par le boycott de la réunion par les journalistes.
Depuis l'élection de Johnson en décembre, son conseiller spécial, Dominic Cummings, et celui en communication, Lee Cain, tout-puissants, tentent visiblement de contrôler la couverture des médias. Ils ont d'abord décidé de déplacer l'endroit du briefing quotidien donné par le porte-parole du Premier ministre qui avait lieu dans une salle située juste derrière la tribune de presse de la Chambre des communes. Cet échange permet en général d'éclaircir certains détails d'une mesure politique ou d'une déclaration du Premier ministre. En principe, le contenu de ces rencontres est «off» et sert d'outil de contexte pour les journalistes. Et les rares informations rendues publiques le sont via le pudique «de source proche de Downing Street».
En insistant pour tenir ces réunions au 9, Downing Street, à 500 mètres de Westminster, les services de Johnson ont compliqué la tâche des reporters. Non seulement cet endroit est le territoire du Premier ministre, mais en plus ils doivent sortir du Parlement en prenant de nombreux escaliers, puis courir le long de l’avenue Whitehall et passer ensuite les contrôles de sécurité…
En décembre, ils avaient protesté en vain. Lundi, après le tollé provoqué par le tri effectué par un officier de sécurité armé d'une liste, Cain a fini par se présenter en personne devant les journalistes. Mais persisté : «Nous avons le droit d'organiser des rencontres avec qui nous voulons, quand nous le voulons.» Plusieurs députés de l'opposition ont qualifié cette attitude de «copié-collé sur les méthodes de Trump avec les médias».