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Un tueur d'extrême droite rentre en Espagne purger sa peine

Carlos García Juliá avait été condamné pour le massacre de cinq personnes dans un cabinet d'avocats communistes, à Madrid en 1977. En cavale depuis 1991, il a été extradé par le Brésil.
Carlos García Juliá (à gauche sur la photo), à l'aéroport international de Guarulhos, jeudi. (NELSON ALMEIDA/Photo Nelson Almeida. AFP)
publié le 7 février 2020 à 17h11

Les images captées à l'aéroport de São Paulo montrent un sexagénaire grisonnant et souriant, non menotté, attendant l'avion qui doit le ramener en Espagne. Après un quart de siècle de cavale, le tueur d'extrême droite Carlos García Juliá, un des auteurs de la tuerie d'Atocha à Madrid en 1977 contre des militants communistes, est rentré vendredi matin en Espagne après avoir été extradé par le Brésil. Il a été immédiatement transféré à son nouveau domicile, la prison de Soto del Real. «Aujourd'hui, la démocratie et la justice triomphent de nouveau», a commenté le chef du gouvernement socialiste Pedro Sánchez sur Twitter.

Le soir du 24 janvier 1977, Carlos García Juliá, 24 ans, militant du parti d’extrême droite franquiste Fuerza Nueva, avait surgi avec deux complices dans les bureaux d’un cabinet d’avocats au 55 de la rue d’Atocha, en plein cœur de Madrid. Le cabinet était spécialisé dans les conflits sociaux et la défense des travailleurs, en lien avec les Commissions ouvrières, syndicat communiste encore clandestin. Après avoir aligné les présents face à un mur, le commando avait fait feu froidement, tuant trois juristes ainsi qu’un étudiant en stage et un employé. Quatre personnes grièvement blessées avaient survécu. Future maire de Madrid, Manuela Carmena travaillait comme avocate dans le cabinet mais venait de quitter les lieux quand les tueurs avaient fait irruption.

La tuerie avait secoué la société espagnole, à l’époque incertaine de la transition de la dictature du général Franco (mort quinze mois auparavant) vers la démocratie. L’enterrement des victimes, qui rassembla plus de 100 000 personnes, fut la plus grande manifestation antifasciste depuis la guerre civile (1936-1939). Les trois exécutants furent rapidement arrêtés. Se croyant protégés par leurs appuis politiques, ils n’avaient pas pris la peine de quitter Madrid.

Disparu au Paraguay

En 1980, García Juliá était condamné à cent quatre-vingt-treize années de réclusion pour les cinq assassinats et quatre tentatives. «Je tentais d'aider les forces de l'ordre à défendre l'Espagne contre la subversion», avait-il plaidé lors du procès. En 1991, il avait été remis en liberté conditionnelle, puis avait obtenu l'autorisation de se rendre au Paraguay, où il avait disparu. Une mansuétude surprenante, alors que le chef du gouvernement était le socialiste Felipe González.

Arrêté en 1996 en Bolivie pour trafic de drogue, il avait été condamné à six ans de prison, mais s’était enfui pendant une permission. En décembre 2018, García Juliá était arrêté au Brésil : il gagnait sa vie à São Paulo comme chauffeur de VTC sous une fausse identité vénézuélienne. Son extradition a été autorisée en août 2019 par la Cour suprême du Brésil. En Espagne, il lui reste trois mille huit cent cinquante-cinq jours de réclusion à purger, soit dix ans et six mois.