C'est une décision inattendue, qui devrait rendre la fin du règne d'Angela Merkel plus pénible encore : la cheffe de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a annoncé lundi qu'elle ne briguerait pas la chancellerie en 2021 et renonce à la présidence du parti. Sa succession sera réglée selon des modalités à définir, de préférence avant que l'Allemagne ne prenne la présidence de l'UE, en juillet. Cette démission surprise est la conséquence de la crise politique en Thuringe où, mercredi dernier, des élus locaux de la CDU, afin de se débarrasser du candidat de gauche Die Linke, ont voté avec l'extrême droite (AfD) pour le candidat libéral à la direction du Land. Une ligne rouge a été franchie et depuis, l'Allemagne est engluée dans une crise. Parmi les motifs de son renoncement, «AKK» a invoqué «une relation trouble de certaines parties de la CDU avec l'AfD et Die Linke». Si les conservateurs semblent, au contraire, très clairs avec Die Linke, rejetant toute politique de gauche, leur positionnement face à l'AfD mérite d'être éclairci. Une partie de la CDU prône un rapprochement avec le parti d'extrême droite. Comme le bruyant club de la «Werte Union». Ou cet élu et vice-président de la CDU en Saxe-Anhalt (ex-RDA) qui affirme qu'il ne peut pas ignorer «25 % des électeurs» .
Comme le résume le quotidien Die Tageszeitung la CDU est «tiraillée entre un antisocialisme poussiéreux […] et une relation trouble avec l'AfD, dont certains membres de la CDU, surtout à l'Est, se sentent proches».
Si l'annonce d'AKK a surpris, il semblait toutefois de plus en plus improbable qu'elle brigue la chancellerie en 2021. Elue à la tête du parti en décembre 2018, l'ex-dirigeante de la Sarre s'est vite rendue impopulaire. Contestée depuis des mois, plus raide que Merkel sur les questions de société, elle n'est guère appréciée dans l'opinion. On l'a aussi accusée de manquer d'autorité. Au lendemain du fiasco en Thuringe, ce n'est pas AKK mais Merkel qui a haussé la voix, qualifiant ce vote d'acte «impardonnable» et appelant à de nouvelles élections. A AKK de convaincre les récalcitrants de les mettre en place. Sauf qu'après cinq heures de discussions, elle n'y est pas parvenue.
Pour la remplacer, plusieurs noms circulent, l'avocat ultralibéral Friedrich Merz, le ministre de la Santé Jens Spahn, ou le chef de la CSU Markus Söder. Ou encore le dirigeant de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Armin Laschet, seul merkelien du lot. Pour le politologue Lothar Probst, la décision d'AKK «ouvre désormais la compétition entre Merz et Laschet, entre l'Ouest et l'Est, entre les partis les plus progressistes et les plus conservatrices» du parti.