En se réveillant, ce mardi matin de primaire démocrate dans le New Hampshire, Donna ne savait pas pour qui elle allait voter. «Il y a tant de bons candidats…» remarque cette aide-soignante à la retraite, à la sortie d'un bureau de vote installé dans une école primaire de Dover, faisant référence à la douzaine de prétendants à l'investiture. Elle s'est finalement décidée pour le benjamin de la course, l'ancien maire de South Bend Pete Buttigieg. «Je me suis dit qu'en tant qu'homosexuel, il a dû lutter toute sa vie pour qui il est, et ça a dû lui donner une force que d'autres n'ont pas forcément.» L'expérience dans l'armée de ce candidat centriste compte aussi pour Donna, «parce qu'il a dû prendre des décisions difficiles et apprendre à travailler en équipe».
«L’avenir de notre nation»
«Le choix que vous faites aujourd'hui déterminera l'avenir de notre nation», a déclaré Buttigieg sur Twitter mardi, appelant à «bâtir une coalition pour battre Trump en novembre.» Avec une avance infime en termes de délégués, il est arrivé en tête des caucus de l'Iowa la semaine dernière, première étape du marathon des primaires démocrates pour obtenir la nomination du parti, et faire face à Donald Trump à la présidentielle. Mais il est talonné dans l'Iowa et devancé dans le vote populaire par le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders, candidat au programme le plus progressiste, que les sondages donnent favori dans le New Hampshire. Les résultats de l'Iowa sont encore débattus : les campagnes des deux candidats ont demandé un recomptage. A l'inverse des caucus, assemblées publiques, le scrutin de la primaire du New Hampshire se tient à bulletin secret.
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Deux jeunes font le pied de grue devant l'école, et distribuent des formulaires aux électeurs : des sondages de sortie d'urnes pour le compte de l'université Harvard, qui serviront à connaître les choix de candidat par catégorie d'âge, de niveau d'éducation, ou encore de source d'information. Ils ne veulent rien dire des résultats («on essaye de ne pas trop regarder !») mais ont compté plus de 300 votants depuis l'ouverture de ce bureau de vote de Dover, ville de 30 000 habitants près de la côte Atlantique, qui avait largement élu Bernie Sanders face à Hillary Clinton lors de la primaire 2016, et Clinton face à Trump lors de la présidentielle.
«Prisonniers de la dette étudiante»
Avec ses badges et son sweat-shirt «Not me, us», le slogan de campagne du sénateur du Vermont, Lila annonce la couleur. «J'ai voté pour Bernie parce qu'il est le candidat avec le plus de soutiens de la base, de bénévoles, de petits donateurs de tous horizons, et c'est ça qui nous permettra de battre Donald Trump en novembre, avance-t-elle. J'ai aussi voté pour lui parce que je soutiens Medicare For All [l'assurance santé universelle et publique prônée par Sanders, ndlr], l'annulation de la dette étudiante et l'université publique gratuite. La plupart des mes amis sont prisonniers du remboursement de leur prêt étudiant…»
La jeune activiste, directrice locale de l'organisation de désinvestissement des énergies fossiles 350.org, a comparé les propositions des candidats en termes de lutte contre le changement climatique, et elle est formelle : «Le programme de Bernie est de loin le meilleur, et c'est très important, surtout pour nous qui vivons dans un Etat côtier. Il est également le seul à ne pas accepter les donations de l'industrie des énergies fossiles dans sa campagne, ce qui en fait le seul véritablement crédible pour mettre en place des mesures à la hauteur des enjeux.»
Outre le duo de tête, la question est de savoir qui, de l’ancien vice-président Joe Biden, de la sénatrice du Massachusetts, la progressiste Elizabeth Warren, ou de sa collègue du Minnesota Amy Klobuchar, arrivera en troisième position. Longtemps grand favori des sondages nationaux, avec son programme centriste et une campagne qui a beaucoup misé sur sa capacité au rassemblement pour battre Trump en novembre, Biden a réalisé un mauvais score dans l’Iowa, arrivant en quatrième position.
«De maire à président, c’est un grand pas…»
A quelques mètres du bureau de vote, emmitouflé pour résister au froid et à la bruine, un groupe tient une grande banderole en faveur de Joe Biden. John, un électricien quinquagénaire et syndicaliste, est venu du Massachusetts voisin pour encourager les électeurs du New Hampshire à «choisir le candidat capable d'être élu partout dans le pays, pas seulement dans certaines zones». S'il trouve Pete Buttigieg «intelligent», il redoute «l'homophobie» de certaines régions des Etats-Unis, «notamment dans le Sud». «Et puis, de maire à président, c'est un grand pas…» John admet son «inquiétude» à propos de la mauvaise performance de Biden dans l'Iowa : «J'ai été surpris de le voir si bas. Mais on n'est qu'au début du processus : j'essaye de ne pas paniquer.»
En milieu de journée, signe des faibles espoirs de sa campagne pour les résultats de ce mardi, on apprenait que Biden avait déjà quitté le New Hampshire pour se rendre en Caroline du Sud. Dans cet Etat qui vote fin février, l'ancien vice-président de Barack Obama est donné grand favori, grâce au soutien de l'électorat afro-américain. «Nous avons de nombreux bons amis dans le New Hampshire, s'est-il justifié devant des journalistes. Mais cette course n'est pas finie avant qu'une part significative de l'électorat ait participé, ce qui n'est pas encore le cas.»