Le match a dérapé à la 71e minute. Moussa Marega avait marqué dix minutes plus tôt pour permettre au FC Porto de mener 1-2 sur le terrain de Vitória Guimarães. L'attaquant franco-malien avait célébré son but en brandissant un siège jeté depuis les gradins par des supporteurs furieux, ce qui lui a valu un carton jaune. Puis, excédé par les chants racistes et les cris de singe, il décidait peu après de quitter la pelouse. Les efforts de ses coéquipiers pour l'en dissuader sont restés vains, il cède la place à Wilson Manafa et rentre aux vestiaires en pointant ses deux pouces vers le bas – et ses deux majeurs vers le haut –, pour dénoncer le comportement d'une partie du public.
Victime de chants racistes l’attaquant de Porto Moussa Marega a quitté le terrain en plein match , ce qui est terrible c’est qu’il n’a aucun soutien de ses coéquipiers qui auraient dû quitter le terrain et même l’arbitre aurait dû arrêter le match. pic.twitter.com/4HzYmFSZxh
— Hocine (@tinord59) February 17, 2020
Né aux Ulis (Essonne) et ancien joueur du Vitória Guimarães, Moussa Marega, détenteur d'une vingtaine de sélections sous le maillot de la sélection du Mali, a laissé éclater sa colère sur son compte Instagram, avec des émoticônes représentants des doigts d'honneur. «Je voudrais juste dire à ces idiots qui viennent au stade pour lancer des cris racistes… allez vous faire f… Je remercie également les arbitres de ne pas m'avoir protégé et de m'avoir donné un carton jaune parce que je défends ma couleur de peau», écrit l'attaquant, qui ajoute : «J'espère que je ne vous reverrai plus jamais sur un terrain de football ! Vous êtes une honte !»
Gostaria apenas de dizer a esses idiotas que vêm ao estádio fazer gritos racistas ... vá se foder 🖕🏾🖕🏾
— Moussa Marega (@marega91) February 16, 2020
E também agradeço aos árbitros por não me defenderem e por terem me dado um cartão amarelo porque defendo minha… https://t.co/yJl9hBnBEy
Dès la fin du match, les réactions consternées et les messages de soutien au joueur se sont multipliés. «Nous sommes complètement indignés. On sait la passion qui existe au Vitória et je pense que la plupart des fans ne se reconnaissent pas dans l'attitude de certaines personnes qui ont insulté Moussa dès l'échauffement», a déclaré Sérgio Conceição, l'entraîneur de Porto. Sur les réseaux sociaux, il a posté une photo avec le message : «Nous sommes tous Moussa.»
Quitter le terrain
Lundi matin, le monde du football, la presse et les dirigeants politiques portugais affichaient leur consternation. «Moussa Marega a été la cible d'insultes racistes qui doivent être sévèrement punies», a réagi la Fédération portugaise de football, tandis que la Ligue s'est engagée à «tout faire pour que cet épisode de racisme ne reste pas impuni». «Nous devons tous exprimer notre solidarité envers lui et le refus total de ce type de comportement», a déclaré le Premier ministre, António Costa, alors que le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, a mis en garde contre les conséquences «dramatiques» du racisme et de la xénophobie.
La Fédération malienne de football a elle aussi affirmé son «soutien total et sa solidarité» à l'international de 28 ans, disant dans un communiqué avoir «suivi avec consternation et indignation les actes racistes dont a fait l'objet l'attaquant des Aigles du Mali». L'association portugaise SOS Racisme a, elle, demandé que les auteurs des cris racistes soient «sévèrement punis» et s'est inquiétée d'un phénomène qu'elle juge «transversal à la société portugaise». Le Vitória Guimarães a réagi à son tour dans un communiqué pour affirmer qu'il comptait «censurer toute manifestation de violence, racisme ou intolérance». La police portugaise a indiqué qu'elle étudiait les images de surveillance captées à l'intérieur du stade afin d'identifier les supporteurs racistes.
De son côté, l'ancienne star du football néerlandais Ruud Gullit a estimé que les deux équipes auraient dû quitter le terrain : «Ses coéquipiers auraient dû le protéger, tout comme l'équipe adverse, en disant "on quitte le terrain". C'est ce qui me déçoit le plus.»
Interdiction mondiale de stade
Exception au tollé provoqué par l'affaire, le principal groupe de supporteurs de Guimarães a usé de l'ironie pour «féliciter la machine médiatique qui n'a vu que du "racisme" contre un joueur mais pas le "racisme" de ce même joueur», dans un message publié sur Facebook. «S'il y a eu des attitudes racistes envers Marega ou si Marega a provoqué les supporteurs du Vitória, il faut condamner les deux», a commenté le seul député d'extrême droite siégeant au Parlement portugais, André Ventura.
En octobre, le président de la Fédération internationale de football, l’Italo-Suisse Gianni Infantino, avait plaidé en faveur d’une interdiction mondiale de stade pour les responsables d’actes racistes. Trois jours auparavant, le match Bulgarie-Angleterre à Sofia avait été interrompu à deux reprises à la suite de cris de singe du public visant les joueurs noirs anglais. En Italie cette saison, plusieurs joueurs ont été victimes de comportements racistes : le Belge de l’Inter Milan Romelu Lukaku, l’Ivoirien de l’AC Milan Franck Kessié, le Brésilien de la Fiorentina Dalbert ou l’Italien de Brescia Mario Balotelli. Aucun de ces incidents n’a donné lieu à la suspension de la rencontre. En France, au mois de septembre, le président de la Fédération de football, Noël Le Graët, avait suscité la polémique en se disant partisan d’arrêter les matchs en cas de provocations racistes, mais pas pour des slogans ou des banderoles homophobes.