Qui se souciait, jusqu’à présent, des frontières en mer Méditerranée ? Les capitaines de chalutiers, les militaires sourcilleux et les migrants en quête d’Europe, pour l’essentiel. Depuis dix ans, un autre acteur s’intéresse de près aux tracés territoriaux invisibles qui découpent les eaux méditerranéennes : les majors des hydrocarbures. La découverte d’immenses gisements gaziers, au tournant des années 2010, dans les profondeurs de la mer du Levant, a aiguisé les appétits des pays côtiers comme des exploitants. Et inévitablement déclenché une âpre compétition diplomatico-économique pour le contrôle de ces ressources, dans une région déjà en ébullition.
La propriété de ces réserves de gaz est d’abord une question de géographie et de droit international. Première difficulté : la convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982) n’a pas été signée par la Turquie ni par Israël, deux des protagonistes de la bataille du gaz en Méditerranée orientale. Les revendications concurrentes des pays riverains portent moins sur les eaux territoriales (une bande de 22 kilomètres depuis les côtes), au sein desquelles les Etats jouissent d’une entière souveraineté, que sur les zones économiques exclusives (ZEE), qui s’étendent jusqu’à 370 kilomètres et autori