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Libération

Depuis 2015, l'Allemagne mobilisée pour intégrer les réfugiés

Formations, aide administrative… L’Allemagne a redoublé d’efforts pour accueillir 1,2 million de migrants et favoriser le vivre-ensemble.
Accueil de réfugiés, à Metzingen, le 12 avril 2018. (Marijan Murat/Photo Marijan Murat.DPA)
publié le 20 février 2020 à 21h21

Arrivés avec la grande vague de l'été 2015 qui a conduit près d'un million de réfugiés syriens en Allemagne, les frères Ismael se sont installés à Cassel où ils ont ouvert très rapidement un garage de réparation et d'entretien automobile. «Nos rapports avec les Allemands sont excellents», assure au téléphone Ahmad, l'aîné d'une famille qui a préféré compter sur son savoir-faire artisanal plutôt que sur les aides sociales. «Nos clients sont majoritairement allemands et viennent chez nous grâce aux prix, nettement moins élevés que dans les autres garages, mais aussi pour notre flexibilité et notre rapidité dans le dépannage des petits problèmes mécaniques. Mais les contacts très cordiaux restent toutefois limités à notre commerce.»

«Choc». Le chacun chez soi est la règle d'or de la coexistence à en croire le jeune commerçant originaire de la région de Lattaquié. Les Syriens comptent pour près de la moitié des 7 000 réfugiés accueillis à Cassel, la plupart en 2015. Cette ville prospère de 200 000 habitants située dans la Hesse - qui est aussi le Land de Hanau, où s'est produite l'attaque de mercredi soir - est celle où a été assassiné en juin Walter Lübcke en pleine rue par un militant néonazi. L'élu de la CDU défendait la politique d'ouverture à l'immigration d'Angela Merkel.

Paradoxalement, c'est aussi dans ce Land qu'on «enregistre les meilleurs résultats pour l'intégration par l'emploi en Allemagne», constate Arras Marika, qui dirige à Cassel l'association Indimaj («intégration» en arabe). Financée par le Jobcenter, l'équivalent de Pôle Emploi en Allemagne, l'ONG s'occupe de l'accueil des familles de réfugiés. L'approche est globale, avec de l'aide administrative pour les prestations sociales, des cours d'allemand et des formations. L'objectif prioritaire : adapter les compétences de cette main-d'œuvre aux besoins de l'économie allemande.

«Au début il y a eu un véritable choc des civilisations», décrit Arras Marika, lui-même fils de réfugiés kurdes syriens arrivés en Allemagne il y a une vingtaine d'années. «Les Allemands visaient une main-d'œuvre qui leur manquait dans certains secteurs mais exigeaient des certificats ou des diplômes que même les artisans très expérimentés ne peuvent fournir pour prouver leurs compétences, puisqu'ils ont appris leur métier sur le tas. Les arrivants, eux, rejetaient souvent les emplois pénibles ou de service, très demandés sur le marché allemand mais mal payés, surtout par rapport aux allocations élevées proposées par les services d'aide, notamment pour les familles avec beaucoup d'enfants.»

L’Allemagne a investi massivement dans l’accueil des réfugiés depuis 2015. Comme Indimaj, des structures et organisations d’accueil ont été mises en place tant par les Länder que par les églises, catholiques et protestantes, dans toutes les petites villes à travers le pays.

Raciste. «C'est beaucoup plus long et compliqué que prévu», note Arras Marika, mais les résultats commencent à être significatifs. L'Agence fédérale pour l'emploi indiquait l'année dernière que 400 000 personnes arrivées depuis 2015 disposaient aujourd'hui d'un travail. Sur 1,2 million de réfugiés accueillis au total, cela représente un taux de 35 %, qui progresse rapidement. Cela concerne les huit pays d'origine les plus fréquents parmi les nouveaux arrivants, à savoir la Syrie, mais aussi l'Afghanistan, l'Irak, le Pakistan, l'Iran, et pour l'Afrique, l'Erythrée, la Somalie et le Nigeria.

Mais parallèlement, les crimes à caractère raciste ont augmenté de 20 % en 2018 par rapport aux années précédentes, avait révélé au printemps le ministre fédéral allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer, dont 90 % par des partisans de groupes d’extrême droite.