Il y a eu le grand fracas de la chute d'un président, Abdelaziz Bouteflika, renversé par son peuple le 2 avril. Il y a eu le frisson d'une foule innombrable bravant les interdictions de manifester, retrouvant la liberté de défiler, défiant un pouvoir déboussolé avec un entêtement inédit et un pacifisme exemplaire. Pourtant, l'expérience du Hirak algérien, unique en son genre, a un goût d'inachevé. «Une révolution est un processus dynamique, rappelle Thomas Serres, enseignant à l'Université de Californie à Santa Cruz. Laissons aux futurs historiens le jugement sur sa réussite ou son échec.» Bouteflika et son fauteuil ont disparu, sa bande («issaba») a été balayée par des procès expéditifs, les «3 B» (Bensalah, l'ex-président par intérim, Belaiz, l'ex-président du Conseil constitutionnel, et Bedoui, l'ex-Premier ministre) sont de l'histoire ancienne. Le torrent du Hirak a emporté avec lui une grande partie du personnel politique et des réseaux d'affaires honnis de l'ère Bouteflika. «Les revendications initiales étaient "pas de cinquième mandat" et "qu'ils s'en aillent tous" : elles ont été en grande partie satisfaites, pointe l'anthropologue Yazid Ben Hounet, chercheur au CNRS. L'un des premiers objectifs du Hirak était de se réapproprier l'espace public. C'est un acquis démocratique qui va demeurer.»
Méfiants
Si le pouvoir a fait preuve d'une retenue dans l'encadrement des manifestations, il ne s'est pas privé de faire arrêter de