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Libération

Terre sainte, au bonheur des scientologues

publié le 25 février 2020 à 20h51

Sur l’avenue Jérusalem de Jaffa, le cinéma l’Alhambra, édifié en 1937, est l’un des plus beaux exemples d’architecture art déco de Tel-Aviv. D’autant plus que les courbes de ce paquebot bleu et blanc ont été restaurées il y a quelques années, redonnant sa grandeur d’avant-guerre à ce qui fut l’une des salles de divertissement les plus courues de la Palestine mandataire. Une époque où Juifs, Arabes et officiers britanniques pouvaient s’y délecter des vocalises de la diva égyptienne Oum Kalthoum.

Les richissimes bienfaiteurs, qui ont sorti l'Alhambra de décennies d'abandon, viennent tout droit de Hollywood. Mais rien à voir, ou presque, avec le septième art. Comme l'indique l'imposant fronton de l'ex-cinéma, il s'agit de l'Eglise de scientologie. Le lieu, inauguré en 2012, est l'unique pied-à-terre du mouvement au Moyen-Orient, qui en a fait une cathédrale high-tech à la gloire des «enseignements» (ou élucubrations, c'est selon) de son fondateur, Ron Hubbard. L'intérieur du centre ressemble à une médiathèque futuriste s'étalant sur trois étages, avec des dizaines de postes de visionnage et salles de classe. Les murs sont longés de rayonnages remplis de centaines d'ouvrages SF aux couvertures criardes, façon Talmud scientologue. Des prospectus en hébreu, arabe et russe (les trois langues de l'Israël moderne) sont à portée de main, proposant «solutions» et «réponses» à l'addiction médicamenteuse ou à la dépression. A l'accueil, une élégante trentenaire au look de méchante sortie d'un film de James Bond (blazer strict et col roulé noirs) nous conduit directement à l'une des consoles. Pendant qu'on s'initie à «quelques bases» dans des films en haute définition doublés dans toutes les langues imaginables, cette dernière veille. «Nous sommes plusieurs milliers en Israël», nous assure-t-elle. Ce que semblent confirmer les quelques articles dédiés au microphénomène scientologue en Terre sainte. Si une commission parlementaire de la Knesset a rangé l'Eglise au rayon «sectes» en 1987, le mouvement n'a eu aucun mal à s'implanter à Tel-Aviv, accueilli à bras ouverts par les pouvoirs publics (deux membres du gouvernement étaient présents à l'inauguration).

«Pour de nombreux Américains, la scientologie reste une secte dangereuse. Mais pour les Israéliens, c'est juste une religion parmi d'autres», estime la journaliste Tamar Leveson dans le magazine The Tower. Qui note que le principal rival de la scientologie à Hollywood n'est autre que la Kabbale juive… Comme un retour à l'envoyeur.