«Vous êtes mariées ? Où sont vos maris ? Pourquoi voyagez-vous sans eux ?» Lorsqu'elles franchissent un barrage militaire comme il en existe des centaines sur les routes du Mexique pour inspecter les véhicules en quête d'armes ou de drogue, les conductrices doivent affronter des questions différentes de celles adressées aux hommes. Les interrogations des soldats voguent, en toute désinhibition, sur le machisme ordinaire qui prévaut au Mexique.
Comme ses troupes, le président Andrés Manuel López Obrador ne se sent pas concerné par la révolution féministe qui s'étend dans le pays. Lors de sa conférence de presse quotidienne, il s'est montré agacé par les questions des journalistes sur les féminicides barbares qui ont fait les gros titres. Durant la première année de son mandat, en 2019, plus de dix femmes ont été tuées chaque jour au Mexique et 1 010 homicides ont été classés comme féminicides. Mais Amlo, de son surnom, refuse d'adopter des mesures pour combattre ce fléau. Révulsées par cette indifférence, des manifestantes féministes ont tagué le Palais national, siège de la présidence. Amlo leur a demandé de cesser de «peindre les murs».
Pensant dissiper tout malentendu, López Obrador a aussi affirmé : «Je suis contre les féminicides.» Considérant que cette déclaration pouvait être déclinée en une série d'assertions creuses, il a improvisé un décalogue : «Non aux agressions contre les femmes. Il faut respecter les femmes. Il faut protéger la vie de tous les êtres humains…» Au-delà, le gouvernement n'a pas présenté l'ébauche d'une action concrète. Amlo considère que les féminicides ont la même cause que la criminalité en général : la perte des valeurs morales. Et le Président de poursuivre : «Le féminisme doit s'inspirer de l'humanisme, qui est la référence.» Moins tonitruant que le président brésilien, Jair Bolsonaro, López Obrador fait cependant aisément étalage de sa mentalité de patriarche vieux jeu et condescendant. Au début de son mandat, il avait dévoilé un pan de son projet contre la criminalité : demander aux «madrecitas» («petites mères») de contrôler leurs fils pour les empêcher de tomber dans la délinquance car elles sont «pleines de sentiments». «Les femmes sont sensibles, fines, délicates et elles ont un sens de la beauté particulier», avait-il dit au sujet d'un projet de reconstruction des routes dans le sud du pays incluant des femmes ouvrières.
Le Président se montre moins sirupeux lorsqu’il s’agit de la grève des femmes mexicaines annoncée le 9 mars prochain. N’ayant pas saisi le sens du mouvement féministe, Amlo estime qu’il s’agit d’un complot contre lui.