Un vent nouveau a l'air de souffler sur l'Arabie Saoudite. Depuis juin 2018, les femmes y ont obtenu le droit de conduire et, en 2019, la possibilité d'avoir un passeport et de voyager à l'étranger sans la permission d'un mâle. Elles peuvent également déclarer officiellement une naissance, un mariage ou un divorce. Ces mesures de libéralisation initiées par le prince héritier, Mohammed ben Salmane, encouragent de nouvelles façons de sociabiliser. Et notamment via Tinder : avec cette application de rencontres, les célibataires commencent à entrevoir une échappatoire aux relations extrêmement codifiées en vigueur entre femmes et hommes. Dans le royaume, le mariage est en effet de règle, au point qu'une cour de justice peut forcer un homme à épouser une femme qui a perdu sa virginité avec lui.
Les gardes chargés de faire respecter la loi islamique semblent de plus en plus fermer les yeux sur les tenues des femmes sur certains boulevards, dans les cafés et restaurants modernes de Riyad, la capitale, mais aussi à Jeddah, la «Tel-Aviv» du royaume. Là, on peut voir des abayas traditionnelles – un vêtement qui couvre l’ensemble du corps à l’exception du visage, des pieds et des mains – en côtoyer d’autres, colorées et ouvertes sur le devant, montrant pantalon et blouse.
La principale différence entre l'Arabie Saoudite de 2015 et l'actuelle réside dans l'instauration progressive de zones grises. Elles permettent aux jeunes générations dans les grandes villes de manier plus facilement Tinder et autres. Si dans les autres pays, ce type d'appli a surtout servi à multiplier les rencontres instantanées, en Arabie Saoudite elles représentent le seul moyen de rencontrer quelqu'un. Cette révolution dans les rapports amoureux s'accompagne d'ailleurs de stratagèmes cocasses. Ainsi, un jeune homme cité dans Haaretz raconte qu'il lui arrive de confier le passeport de sa sœur à sa prétendante, dissimulée sous son abaya et son voile, pour éviter d'être inquiétés par la police des mœurs au passage des checkpoints.
Tous ces changements, que permet une police un peu plus coulante envers les nouveaux modes de vie et l’accès à des applications modernes, ont un réel impact sur l’institution du mariage : en Arabie Saoudite, les divorces seraient devenus récurrents, selon une étude publiée en avril 2019 par la Société du développement familial. Et si le pays des interdits était en train d’entamer sa mue ?