«Бог, семья, русский народ» – «Dieu, famille et peuple russe». Quelques nouveautés que Vladimir Poutine souhaite introduire dans la Constitution russe, qu'il a proposé d'amender le 15 janvier.
«La Fédération de Russie, unie par une histoire millénaire» préserve «la mémoire des ancêtres qui nous ont transmis leurs idéaux et la foi en Dieu», peut-on lire dans les propositions présidentielles. La Russie étant un état multiethnique, multiconfessionnel et surtout laïc, on peut légitimement s'interroger sur ce «Dieu» qui va bientôt trôner en majesté dans la charte. Et savourer ce dialogue entre un correspondant du quotidien Kommersant et le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov : «Quel Dieu au juste Vladimir Poutine avait-il à l'esprit ?
— Je pense que ce sera éclairci en temps voulu.
— Comment ? Par une loi fédérale ?
— Non. Je ne peux pas répondre à cette question actuellement.»
Pas plus qu'il n'a vraiment réussi à préciser qui étaient ces fameux «ancêtres» et leurs «idéaux». Mais le texte établit une continuité de la Fédération de Russie avec l'URSS et fixe le peuple russe comme nation tutélaire du pays, et la langue russe comme langue officielle.
Les enfants, «patrimoine essentiel de la Fédération de Russie»
Parmi d'autres propositions innovantes et en phase avec le siècle, Vladimir Poutine souhaite aussi inscrire le mariage comme une union entre un homme et une femme, tandis que les enfants deviennent «un patrimoine essentiel de la Fédération de Russie» et «l'Etat crée les conditions favorables à [leur] épanouissement spirituel, moral, intellectuel et physique complet des enfants, en développant leur patriotisme, sens civique et respect des aînés».
Sinon, plus prosaïquement, Poutine a l’intention d’interdire constitutionnellement que des portions de territoire russe soient données – comprendre rendus – à des Etats étrangers et que tout appel ou action en ce sens deviennent – encore plus – illégaux. C’est-à-dire sécuriser la Crimée annexée en 2014 ou encore les îles Kouriles, disputées avec le Japon.
Pérenniser le pouvoir de Poutine
Renforcer le Conseil d’Etat, doter la Douma du droit d’entériner la candidature du Premier ministre, mais aussi de tous les membres du gouvernement, renforcer le rôle des gouverneurs et introduire une prééminence sur le droit international… la réforme constitutionnelle proposée par Poutine va modifier radicalement le système de gouvernance russe. Surtout, elle est perçue comme un moyen de pérenniser son propre pouvoir, au-delà de son mandat présidentiel qui s’achève en 2024.
La Constitution russe actuelle, adoptée en 1993 et rédigée dans un esprit d’émancipation par rapport à l’héritage liberticide soviétique, bien qu’imparfaite, a toujours été considérée comme un socle solide pour une société démocratique, si cette société, et surtout ses dirigeants, voulaient bien la respecter. Les amendements, qui ont déjà été adoptés en deuxième lecture au Parlement, seront soumis à une «consultation populaire» le 22 avril. Autant dire que l’affaire est pliée et que la Russie se prépare à embrasser l’avenir à reculons.