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Libération
Chronique «à l'heure arabe»

«Opération Roméo» : amour, espionnage et traduction sur une base américaine en Irak

A l'heure arabedossier
Toutes les semaines, chronique de la vie quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes. Aujourd’hui, tous les ingrédients d'un film d'espionnage de série B impliquant les Etats-Unis et le Hezbollah.
Logo du Pentagon dans la salle de conférence. (Photo Al Drago. REUTERS)
publié le 7 mars 2020 à 15h16

Romance et manipulation, selon la presse américaine, ou «amour et vengeance» (les deux mots riment en arabe), selon le titre d’un site d’information libanais. En tout cas, c’est une histoire de traduction et trahison confirmées. Tous les ingrédients d’un film d’espionnage de série B sont réunis, jusqu’aux détails du vol de données informatiques et du petit papier manuscrit caché sous le matelas. L’inculpation, cette semaine, d’une traductrice du Pentagone de 61 ans pour espionnage au profit du Hezbollah libanais – classé organisation terroriste par Washington –, fait des vagues dans l’armée américaine.

«Opération Roméo»

«Dans une zone de guerre, l'accusée a livré des informations sensibles de défense nationale, y compris les noms d'individus qui aidaient les Etats-Unis à un ressortissant libanais à l'étranger», a écrit le département de la Justice américain dans un communiqué. L'affaire commence le 29 décembre 2019 en Irak, où un bras de fer est engagé entre les Etats-Unis et l'Iran, au lendemain de frappes américaines contre une milice pro-iranienne. Employée sur une base de l'armée américaine à Erbil, dans le Kurdistan irakien, Mariam Taha Thompson aurait consulté les fiches des informateurs irakiens des forces américaines, comportant leurs photos, détails identifiés et même les informations qu'ils avaient fournies, et transmis des informations classées secret-défense à son amoureux qui les partageait à son tour avec son neveu, militant actif du Hezbollah libanais. Séduire pour récolter des informations : une pratique que les services américains surnomment une «opération Roméo».

Surveillée par ses employeurs qui découvrent son indiscrétion informatique, l’«espionne» est arrêtée fin février par les agents du FBI. Son logement sur la base d’Erbil est fouillé et les enquêteurs retrouvent notamment sous son matelas une note manuscrite en arabe, sur laquelle elle a retranscrit les noms des informateurs irakiens et leurs numéros de téléphone.

«Intérêt sentimental»

Selon les propres aveux sous serment de l'accusée, ces informations étaient transmises à un Libanais vivant hors de son pays pour lequel «elle avait un intérêt sentimental», selon les termes du document d'accusation américain. Mariam Thompson aurait déclaré avoir mémorisé les informations classées avant de les retranscrire sur un papier, qu'elle envoyait à sa relation à travers une application de messagerie sécurisée.

La traductrice ne pouvait ignorer que les informations qu'elle collectait et transmettait à son «Roméo» étaient destinées au Hezbollah libanais. «Si cela est vrai, ce comportement est une honte, surtout pour quelqu'un travaillant sous contrat avec l'armée des Etats-Unis», a indiqué le procureur général adjoint à la Sécurité nationale John C. Demers, à Washington.