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Libération
Interview

Burkina Faso : «Les recrues des jihadistes cherchent à se venger»

publié le 10 mars 2020 à 20h46

Dimanche, 43 civils ont été assassinés dans des villages peuls de la commune de Barga, dans le nord du Burkina Faso, par des miliciens. «Ce n'est pas un cas isolé», prévient Mathieu Pellerin, analyste Sahel à l'International Crisis Group.

Le recours de l’Etat à des «volontaires» pour sécuriser la région est-il voué à l’échec ?

Pas nécessairement. Si l'on avait pris soin d'inscrire cette réforme dans une logique globale de gouvernance de la sécurité, elle aurait pu aider à lutter contre les violences, avec des garde-fous bien précis. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Cela n'a fait qu'accentuer les violences. Car dans un contexte de polarisation communautaire, autoriser ces «volontaires de défense de la patrie» à prendre des armes, c'est leur donner les moyens légaux de se venger contre leurs voisins sous couvert de lutte antiterroriste.

Mais l’armée semble incapable, seule, de contenir la montée des violences…

Il est évident qu’au Burkina Faso, les forces de défense et de sécurité ne sont pas assez nombreuses pour contrôler autant de fronts de violences simultanément, mais combler ce vide par des civils armés et formés en urgence n’aide pas, au contraire. Les nouvelles recrues des groupes jihadistes, en particulier de l’Etat islamique, cherchent avant tout à se faire justice et à se venger selon des logiques communautaires.

Le Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, terroriste) a annoncé lundi envisager des négociations avec les autorités maliennes. Est-ce un tournant ?

C'est la première fois que le Jnim, qui a prêté allégeance à Al-Qaeda, s'exprime sur cette question. C'est aussi la première fois qu'il pose une condition à l'ouverture d'un dialogue : le retrait de l'armée française. On peut difficilement imaginer, en réalité, que ce soit un prérequis. Cela serait davantage un point d'aboutissement. Il s'agit avant tout d'un positionnement habile de la part du Jnim, qui cherche à rendre la France et le Mali responsables d'un éventuel blocage des négociations. De part et d'autre, il est trop tôt pour savoir s'il y a une sincère volonté de dialogue.