Pascal Durand, député européen LREM (après avoir été élu écologiste), critique durement l’absence de la Commission européenne dans la gestion de la crise du Covid-19.
Jusqu’à présent, c’est le chacun pour soi qui l’a emporté dans la gestion de la crise du coronavirus…
Effectivement, l’Union n’arrive pas à gérer les crises lorsqu’elles se présentent, qu’elles soient sanitaires, humanitaires ou économiques. L’épidémie de coronavirus en a, hélas, fait une nouvelle fois la démonstration : improvisation totale, absence de coordination, refus de toute solidarité à l’égard des pays atteints, c’est un festival d’égoïsmes nationaux au sein d’une Europe censée être unie. Toutes les institutions communautaires ont gravement failli, la Commission en particulier. Elle est totalement absente de cette crise alors qu’elle est censée incarner le leadership communautaire, celui qui propose, celui qui entraîne les Etats derrière lui.
Qu’aurait dû faire la Commission ?
Ursula von der Leyen, sa présidente, aurait dû immédiatement proposer une stratégie commune afin de lancer une dynamique politique européenne. Par exemple, une mise en commun d’une partie des moyens médicaux afin d’aider les régions les plus touchées, la définition de mesures de prophylaxie pour éviter que chaque pays adopte des solutions différentes, une gestion harmonisée des frontières extérieures et intérieures afin d’éviter une paralysie progressive de Schengen et de la libre circulation, une réflexion sur le trafic aérien, une mise en commun des moyens de recherche pour développer un vaccin européen… Or, la Commission s’est montrée incapable d’articuler la moindre proposition. Elle n’a même pas demandé la convocation d’un Conseil européen afin d’impliquer les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est la France qui en a pris l’initiative, ce qui semble démontrer que seule l’Europe intergouvernementale fonctionne. Cette faillite de la Commission explique pourquoi le chacun pour soi l’a emporté, les Etats ayant à cœur la protection de leur population. Qui peut leur donner tort ?
Mais Ursula von der Leyen avait-elle un autre choix ? Car les Etats ont ramené depuis longtemps la Commission au rang d’un simple secrétariat à leur service…
Depuis le départ de Jacques Delors de la présidence de la Commission, fin 1994, les gouvernements ont pris soin de ne nommer que le plus petit dénominateur commun. Et à condition qu’il soit germano-compatible ! Ainsi, ils avaient la certitude que ces présidents faibles ne pèseraient pas politiquement et qu’ils n’auraient pas la capacité de défendre un intérêt général européen qui ne soit pas la somme des intérêts nationaux. On a encore vu le résultat de cette stratégie lors de la négociation du budget européen 2021-2027. Alors que les Etats membres sont en train de réduire la capacité de l’Union à agir au risque de compromettre le pacte vert proposé par Ursula von der Leyen, celle-ci a regardé sans réagir ce détricotage de toute ambition européenne. Ce que l’on paye là, ce sont les conditions politiques dans lesquelles elle a été désignée, c’est-à-dire après un marchandage entre gouvernements.
En clair, l’Union est condamnée à l’impuissance ?
L'Europe ne dispose pas de la souveraineté, c'est-à-dire de la capacité à agir. Elle ne l'a pas en matière sanitaire, bien sûr, mais pas non plus en matière de défense, de diplomatie, de budget, etc. On est en train de donner raison à ceux qui veulent détruire l'Europe parce qu'elle n'est qu'un marché intérieur sans âme. Comme le disait justement Jacques Delors, «on ne tombe pas amoureux d'un marché unique».