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Libération
Migrations

Un quarteron de députés d'extrême droite en vadrouille dans le nord de la Grèce

Deux eurodéputés RN ont notamment été reçus par des élus, des militaires et des politiques, pour «soutenir la Grèce dans son combat contre l’immigration illégale massive».
Le premier ministre grec, Kyriákos Mitsotákis, rencontre l'armée dans la région d'Evros, le 3 mars. (Photo Dimitris Papamitsos. Intime News.Sipa)
par Fabien Perrier, correspondant à Athènes
publié le 10 mars 2020 à 18h14

«Vous pouvez voir que, même si nous souffrons beaucoup, nous faisons de notre mieux pour contrôler les frontières de l'Europe. Je vous remercie d'être venus.» En visite dans le nord de la Grèce, sur les rives du fleuve Evros qui marque la frontière avec la Turquie, quatre hommes, tous députés nationaux ou européens, boivent du petit-lait en écoutant ces paroles du général de l'armée grecque Angelos Choudeloudis.

Ces quatre hommes sont Jordan Bardella, député européen et vice-président du Rassemblement national (RN), Jérôme Rivière, qui représente aussi le RN au Parlement européen, le député belge du parti Vlaams Belang (VB) Dries Van Langenhove, et le député européen du VB Tom Vandendriessche. Un quarteron d’élus de la fine fleur de l’extrême droite islamophobe. Le général Angelos Choudeloudis est, lui, l’un des plus éminents responsables de l’armée grecque et le militaire en chef dans la région de l’Evros.

Sur fond de marécages, un car de MAT, les CRS grecs, des militaires et quelques civils montent la garde. Pour eux, comme pour ces élus en visite, la frontière est menacée par les migrants qui attendent de l’autre côté du fleuve un hypothétique passage vers la Grèce, porte d’entrée de l’Europe.

«Barbelés»

Le général grec l'assure : ils sont environ 35 000 à attendre le long des frontières terrestre et maritime entre les deux pays. Pourtant, le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR), évalue à 20 000 le nombre de migrants massés côté turc. «Ce n'est pas une crise mais une opération planifiée par la Turquie», explique Jérôme Rivière du RN, ancien député UMP entre 2002 et 2007. Il dénonce l'absence de Frontex, l'agence de contrôle et de surveillances des frontières de l'UE, le manque de soutien de l'Union européenne ou encore sa faiblesse face à la Turquie.

La petite délégation reprend la route sous le ciel gris de mars. Direction le poste frontalier de Kastaniès, dans le nord de la région. Les portes habituellement closes s'ouvrent devant le convoi. Ils ressortent au bout d'une heure. «Nous avons pu aller jusqu'aux barbelés, explique Jordan Bardella. L'armée grecque a été très claire : il y a très peu de Syriens, mais beaucoup d'Afghans, de Pakistanais, de Somaliens, d'Africains qui utilisent cette voie ouverte par Erdogan. La Turquie est très offensive à l'égard de la Grèce.» Comme Jérôme Rivière, il affirme également qu'il s'agit de «jihadistes».

L'élu du RN n'est pas le seul à surfer sur cette peur. A ses côtés, Dries Van Langenhove, du Vlams Belang, surenchérit : «Nous devons soutenir la Grèce dans son combat contre l'immigration illégale massive. Les gardes-frontières grecs ne sont pas seulement les gardiens des frontières grecques, mais de celles de toute l'Europe. Ils sont aussi les gardiens de notre futur, des générations futures.»

Le tapis rouge a été déroulé devant ces émissaires d'extrême droite. «Les portes de ma mairie sont ouvertes à tous», explique Panagiotis Kalakikos, le maire de Souflí, une petite commune de la région. Il est membre de Nouvelle démocratie (ND), le parti de Kyriákos Mitsotákis, l'actuel Premier ministre grec. Tout au long de la journée, d'autres membres de ce parti – des maires, le président de l'agglomération – ont accepté de parler aux députés.

Bataille

C’est Faïlos Kranidiotis, un proche d’Antónis Samarás, l’ancien président de ND et ex-Premier ministre, qui a été la cheville ouvrière de ce déplacement. Faïlos Kranidiotis est à la tête d’un petit parti d’extrême droite, Nouvelle droite, et sert régulièrement de lien entre la droite et l’extrême droite, en Grèce mais aussi avec les autres partis de ce type en Europe.

Ironie de l’histoire, l’ancien parti au pouvoir, Syriza, arrivait le même jour dans la région alors que la crise dure depuis dix jours. Dans la bataille idéologique qui se joue à la frontière greco-turque, la droite et l’extrême droite ont visiblement un coup d’avance.