Petit, brun et trapu, Marián Kocner, 56 ans, ne paie pas de mine. Pendant de longues années pourtant, cet entrepreneur à succès, inscrit sur les listes antimafia, a été l’un des hommes les plus puissants de Slovaquie. Un coup de filet spectaculaire de la police slovaque est venu rappeler mardi l’ampleur du contrôle qu’il entretenait sur la sphère politico-judiciaire, jusqu’au plus haut sommet de l’Etat.
Au petit matin, 18 personnes, dont 13 juges, ont été arrêtées à leur domicile. Parmi eux, Jarmila Urbancová, la vice-présidente de la Cour suprême, et Monika Jankovská, une ancienne secrétaire d’Etat à la Justice, poussée à la démission après que les messages qu’elle échangeait avec Kocner furent divulgués dans la presse. Tous sont soupçonnés de corruption, d’abus de pouvoir et d’obstruction à la justice. Ils auraient notamment pris des décisions judiciaires illégales mais favorables à Kocner, en échange de pots-de-vin. La plupart travaillaient dans les tribunaux de la capitale, dont dépendent les entreprises de Kocner. Ainsi, Zuzana Maruniaková, juge au tribunal de Bratislava, avait condamné en 2018 la chaîne de télévision privée Markíza à payer 8,3 millions d’euros à Kocner dans une affaire de faux billets, qui a finalement valu au mafieux une condamnation à dix-neuf ans de prison en février.
Dans cette galerie, émerge un autre nom, celui de Vladimír Sklenka, le vice-président du tribunal de Bratislava. En contact avec Kocner via une messagerie cryptée, il est accusé d’avoir fait disparaître des documents qui incriminaient le businessman, pris des décisions en sa faveur, et surtout d’avoir fait pression sur d’autres juges pour qu’ils fassent de même, en échange de rétributions d’au moins 150 000 euros.
Le contrôle de la justice slovaque n’était qu’un élément dans le système de corruption de Kocner. Son emprise s’étendait aux dirigeants politiques, comme l’avait montré les enquêtes du journaliste Ján Kuciak, assassiné il y a deux ans. C’est cette impression de toute-puissance qui pourrait avoir encouragé Kocner à ordonner la mort du journaliste… Emprisonné depuis octobre 2018 pour une affaire de fraude, il est aujourd’hui le principal accusé du procès Kuciak, qui a débuté en janvier.