Menu
Libération
Union européenne

Coronavirus : Bruxelles lâche toutes les brides

«Flexibilité maximale» sur les déficits, fonds d’aide de 37 milliards d’euros… La Commission, échaudée par ses récents échecs a voulu réagir vite et faire preuve de souplesse.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, vendredi à Bruxelles. (JOHN THYS/Photo John Thys. AFP)
par Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles (UE)
publié le 13 mars 2020 à 20h21

L'Union européenne ouvre grand ses vannes budgétaires pour empêcher la crise du coronavirus de dégénérer en crise économique. Ainsi, Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, a confirmé vendredi que son administration allait appliquer le Pacte de stabilité avec une «flexibilité maximale», en clair laisser les 19 Etats de la zone euro s'éloigner de l'équilibre budgétaire, voire franchir à nouveau le plancher des 3 % du PIB de déficit public. Dans le même esprit, les aides d'Etat, jusque-là soigneusement bridées par Bruxelles, vont être généreusement validées.

Cartouches

Autant dire que, cette fois-ci, il n'est pas question de faire trop peu trop tard, comme lors de la crise financière (2007-2008) ou pendant celle de la zone euro (2010-2015) : agissant à contretemps, sous l'impulsion de l'Allemagne, on avait au contraire appuyé sur le frein budgétaire, ce qui s'était traduit par un ralentissement économique dont les Européens ont mis dix ans à sortir. Lors du sommet extraordinaire de mardi, les chefs d'Etat et de gouvernement ont donc indiqué qu'ils étaient «prêts à recourir à tous les instruments nécessaires. Nous réagirons en particulier à toute incidence en termes de liquidités et de soutien aux PME et aux secteurs particulièrement touchés ainsi qu'à leurs salariés». Un «signal de disponibilité», comme l'expliquait un proche d'Emmanuel Macron.

La Banque centrale européenne (BCE), qui estime avoir déjà tiré l'essentiel de ses cartouches pour soutenir la croissance depuis cinq ans, a enjoint, jeudi, aux Etats d'agir rapidement. Christine Lagarde, sa présidente, a appelé, lors d'une conférence de presse, à «une réponse budgétaire ambitieuse et coordonnée» fustigeant au passage «la complaisance et la lenteur» des gouvernements européens. «Les Etats membres doivent être encouragés à prendre toutes les mesures nécessaires» pour soutenir leur économie, a martelé de son côté, vendredi, Ursula von der Leyen. Pour donner l'exemple, elle a annoncé que la Commission va créer un fonds de 37 milliards d'euros (et non plus de 25 comme elle l'avait dit mardi), destiné à limiter l'impact du coronavirus sur l'économie des Vingt-Sept et qu'elle allait garantir 8 milliards d'euros de prêts aux 100 000 entreprises les plus touchées par la crise.

«Encaisser le choc»

Mais l'Allemagne lui a volé la vedette en mettant sur la table un plan d'aide aux entreprises qui prendra la forme de prêts d'une valeur de départ de 550 milliards d'euros : «Il n'y a pas de limite vers le haut, c'est le message le plus important», a martelé Olaf Scholz, le ministre des Finances. «C'est une initiative sans précédent dans l'histoire de l'après-guerre», a souligné Peter Altmaier, le ministre de l'Economie. La plupart des pays de la zone euro ont annoncé des mesures de soutien à leur économie, mais dans une moindre proportion. Ainsi, en France, Bruno Le Maire, le ministre des Finances, a évoqué des «dizaines de milliards», sans plus. En Espagne, le gouvernement a déjà mis sur la table 18,2 milliards d'euros alors qu'en Italie, le pays le plus touché par la pandémie, seul un plan de 7,5 milliards d'euros a été annoncé. Le problème est que toutes ces mesures ne sont absolument pas coordonnées contrairement à ce que souhaitent la BCE et la Commission. Lundi, l'Eurogroupe, l'instance qui réunit les ministres des Finances de la zone euro, va essayer de mettre un peu d'ordre. «Je suis convaincue que l'Union européenne peut encaisser ce choc, a prudemment pronostiqué Ursula von der Leyen. Mais chaque Etat membre doit assumer pleinement ses responsabilités et l'Union européenne dans son ensemble doit être déterminée, coordonnée et unie.» Ce n'est pas gagné.