La courbe des cas en France suit-elle celle de l’Italie avec 9 jours d’écart?
La comparaison a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux : avec 9 jours de décalage, la France suivrait l'Italie en nombre de cas de contamination au Covid-19 et de décès afférents. Pour l'Espagne, ce décalage serait de 10,5 jours et pour la Suisse de 13 jours. La situation italienne, futur de la France ? Selon les derniers chiffres publiés, les courbes des deux pays - en dehors de leur point de départ - sont effectivement, à 9 jours d'intervalle, quasi identiques. Reprenant les données du ministère de la Santé en France et du département de la protection civile en Italie, CheckNews a ainsi répété l'exercice et a abouti à un résultat similaire : la courbe française des personnes contaminées apparaît comme un décalque de l'italienne (voir infographie ci-contre).
Concernant les décès, la situation était similaire avec l'Italie jusqu'à mercredi, avant de connaître une inflexion jeudi soir : la France a annoncé 61 morts, soit 13 de plus que la veille, alors que l'Italie en avait 79 neuf jours plus tôt, avec une progression de 27 décès en vingt-quatre heures. «Il n'est pas très surprenant que deux pays qui ont toute une série de points communs (nombre d'habitants, climat) connaissent un nombre de cas similaires face à un agent infectieux qui a le même taux de reproduction», estime Gilles Brücker, professeur de santé publique.
Est-ce à dire que la France présentera, dans 9 jours, un bilan semblable à celui de l’Italie actuellement (12 462 cas et 827 décès jeudi) ? Difficile de se prononcer sur la persistance de cette similitude, pour les cas de contamination comme pour les décès.
«Cela va dépendre, entre autres, du respect des mesures d'hygiène et de la gestion des foyers épidémiques, estime William Dab, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et directeur du laboratoire de recherche Modélisation et Surveillance des risques pour la sécurité sanitaire. Mais les comportements évoluent rapidement en France, avec beaucoup plus de gens qui ne se serrent plus la main, qui ne se font plus la bise, ou qui se lavent plus souvent les mains.» Résultat, selon lui, la France pourrait connaître moins de morts, dans une grosse semaine, que n'en compte aujourd'hui l'Italie.
De nombreux commentateurs ont aussi imputé la très forte mortalité italienne au fait que la population transalpine est l’une des plus âgées du monde. Alors que la létalité du virus est beaucoup plus importante chez les personnes âgées, l’Italie affiche en effet, en 2020, 31 % de plus de 65 ans, contre 27,6 % en France, selon l’Insee. Cette différence dans la pyramide des âges permettra-t-elle à la France d’afficher un bilan des décès inférieur ?
La différenciation possible des courbes, concernant les décès, pourrait aussi venir de la réponse du système de santé français. «La question du nombre de lits en réanimation, de places en soins intensifs, est un élément qui aura un impact sur le taux de létalité en France, assure Gilles Brücker. Mais sommes-nous pour autant mieux équipés que nos voisins ?»
Plus globalement, le devenir de la courbe française dépendra des réponses politiques annoncées. Mais quoi qu'il en soit, «c'est comme toujours a posteriori, une fois l'épidémie terminée, que l'on saura vraiment si telle ou telle mesure a eu un impact ou pas», prévient Gilles Brücker.
Est-il vrai que la France teste davantage que l’Italie, comme l’a affirmé le ministre de la Santé, Olivier Véran ?
«Si l'Italie a un taux de mortalité qui est élevé, c'est qu'ils testent moins. En France, on dépiste plus large, affirmait le ministre de la Santé, Olivier Véran, lundi sur BFM TV, réfutant l'affirmation de la journaliste qui l'interrogeait selon laquelle la France effectuait moins de tests que son voisin transalpin. Moins vous testez de malades, plus vous passez à côté de patients qui ne sont pas ou peu symptomatiques, et donc plus les malades sévères vont représenter une proportion importante des gens que vous avez dépistés.»
Force est d'abord de constater que la communication des autorités françaises sur le nombre de tests pratiqués dans l'Hexagone a été confuse, si ce n'est opaque. Les chiffres communiqués par les autorités ont d'abord beaucoup varié, sans aucune explication, avant de disparaître tout bonnement à partir du 6 mars. Le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, se bornant à déclarer quotidiennement que la France réalisait «plus de 1 000 tests par jour».
Même si le nombre de tests a augmenté depuis, le volume est sans commune mesure avec les chiffres italiens. Au 10 mars, l’Italie avait fait plus de 50 000 tests. Elle en annonçait deux jours plus tard plus de 85 000.
Sur quoi se base alors Olivier Véran pour affirmer que l’Italie testait moins que la France ? Le ministre évoquait en fait l’amplitude du spectre des profils testés. Avec cet argumentaire : avec plus de 460 décès pour 9 172 cas diagnostiqués positifs au 10 mars, l’Italie présentait un taux de létalité (nombre de décès rapporté au nombre de cas positifs connus) de 5 %. La France, au soir du 9 mars, comptait 30 décès pour 1 412 cas positifs. Soit un taux de létalité de 2,1 %. Non pas que le virus soit plus méchant de l’autre côté des Alpes. Mais l’Italie, suggère Véran, concentre ses tests sur les malades graves (chez qui le taux de décès sera logiquement plus élevé). Au risque de passer à côté de cas peu symptomatiques. A l’inverse, se félicitait le ministre, la France élargirait les diagnostics à des personnes peu symptomatiques. Bref, l’Hexagone testerait plus largement, à défaut de tester davantage en valeur absolue.
Mais cette différence tient surtout au fait que la France n’en est pas au même stade que l’Italie face à l’épidémie. Face à l’urgence, les Italiens ont dû, avant les Français, se focaliser sur la prise en charge et le diagnostic des cas les plus graves qui affluaient. D’où l’augmentation de la létalité.
Ajoutons que la mortalité plus ou moins forte s’explique aussi par des aspects propres à chaque pays (dont l’état du système de santé ou la pyramide des âges : deux facteurs qui contribuent aussi, selon les commentateurs, à la forte mortalité liée au coronavirus en Italie).
Si on devait essayer de comparer les tests réalisés dans les deux pays, il conviendrait au moins de le faire à des stades comparables de l'épidémie. Au 1er mars, l'Italie se trouvait, en termes de bilan, à un niveau proche de ce que connaissait la France au moment où parlait Véran : 1 700 cas positifs pour 34 décès, contre 1 412 cas positifs pour 25 décès en France au 9 mars. Pour reprendre l'indicateur d'Olivier Véran, le taux de létalité en Italie il y a dix jours était donc très proche des chiffres français du début de semaine. Et à cette date, l'Italie avait réalisé 21 127 tests. Environ deux fois plus que la France au même stade de l'épidémie. Cédric Mathiot
Le Covid-19 va-t-il provoquer 300 000 morts en Allemagne ?
Angela Merkel a joué les Cassandre mercredi, en déclarant que «60 à 70 % de la population allemande sera infectée» par le coronavirus. Une prévision basée sur l'analyse de nombreux experts allemands, qui a agacé le Premier ministre tchèque, Andrej Babis, pour qui «de telles déclarations provoquent plutôt la panique». En Allemagne, ce pourcentage spectaculaire a aussi généré des inquiétudes sur le bilan humain qu'impliquerait l'épidémie si elle prenait une telle ampleur. En appliquant le taux de létalité le plus communément admis du Covid-19 (1 %) à 60 % ou 70 % des 83 millions d'Allemands, on parviendrait à un bilan compris entre 500 000 et 600 000 morts.
Or ce raisonnement ne tient pas, selon le directeur du département de virologie de l'hôpital berlinois de la Charité, Christian Drosten, la référence actuellement en Allemagne. Le 6 mars, dans une interview à la Neue Osnabrücker Zeitung, le virologue (qui considère aussi que deux tiers de la population devrait être infectés pour que l'épidémie cesse) a avancé un chiffre possible de 280 000 morts en Allemagne, considérant que la létalité de 1 % qu'on prête aujourd'hui au Covid-19 est surestimée. Prenant en compte les données statistiques de la Corée du Sud, pays qui a diagnostiqué très largement, Christian Drosten considère que la létalité du Covid-19 se situe «entre 0,3 % et 0,7 %».
S'il est bien à l'origine de l'estimation de 280 000 morts, Christian Drosten a aussitôt indiqué qu'elle était à prendre avec des pincettes : «Un tel calcul n'a guère de sens car la composante temporelle est absente. Si la propagation est lente, les victimes du coronavirus se fondront dans le taux de mortalité normal. Chaque année, 850 000 personnes meurent dans ce pays. Le profil d'âge est similaire à celui des décès causés par le nouveau virus.» Une analyse prudente partagée par l'Institut Robert-Koch, en charge du contrôle et de la lutte contre les maladies, qui considère aussi qu'à défaut de données précises sur la létalité du virus et sur le temps qu'il mettra à se propager, «on ne peut pas établir de tels calculs à ce stade».
Plus abruptement, Thomas Schulz, virologue à l'université de Hanovre, considère qu'il est «absolument prématuré» de se livrer à de tels calculs, car «il n'existe pas de données fiables qui permettraient de faire de telles projections». Selon lui, le taux de contamination de 70 % «ne devrait pas être atteint dans le cadre de la vague de propagation actuelle», mais «dans plusieurs années». Jacques Pezet
A quelle température laver ses vêtements pour tuer le virus ?
Placer ses vêtements au micro-ondes, voire au congélateur, pour se prémunir du Covid-19 ? Nombreux sont les internautes à s'interroger sur la conduite à tenir concernant les habits. De précédentes études sur le Sras, génétiquement lié au Covid-19, montrent en effet que «les coronavirus peuvent persister sur des surfaces de quelques heures à plusieurs jours», rendant ainsi possible une contamination en touchant une matière infectée puis en portant sa main à son nez ou à la bouche. Que faire, alors que cette famille de virus résiste, jusqu'à un certain seuil, à des températures élevées ? Deux spécialistes indiquent à CheckNews que le Covid-19 perd son potentiel infectieux à partir d'une exposition à 56 degrés pendant vingt à trente minutes ou à 65 degrés pendant cinq à dix minutes. C'est ainsi qu'est stérilisé le matériel médical, précise la virologue Anne Goffard. Il s'agit donc de laver le linge à haute température. Gilles Pialoux, du service des maladies infectieuses et tropicales de l'hôpital Tenon, conseille ainsi de nettoyer les vêtements à 60 degrés pendant au moins dix minutes. Quant à l'option congélateur, c'est une mauvaise idée. «Des virus ont perduré des centaines de milliers d'années en étant gelés. A moins de vouloir conserver le virus pour les futures générations, il ne faut surtout pas y mettre ses vêtements.» Anaïs Condomines
Est-on contagieux pendant la période d’incubation ?
Une fois contaminé, un porteur du Sars-CoV-2 (qui provoque la maladie du Covid-19) met, en durée médiane, entre quatre et cinq jours à ressentir les premiers symptômes. Mais l’Agence régionale de santé d’Ile-de-France, chargée de contacter les personnes contaminées, explique rechercher les gens en contact avec un cas avéré jusqu’à vingt-quatre heures avant l’apparition des symptômes, car il y a un risque de contagion.
Selon Alexandre Bleibtreu, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, il n'est toutefois pas possible de savoir précisément à partir de quand des porteurs du virus deviennent contagieux : «On suit une doctrine qui peut être revue dans six mois. On procède aussi par analogie avec les autres maladies virales, où généralement, on considère que dans les vingt-quatre heures précédant l'apparition des symptômes, la charge virale est suffisante pour être contagieuse.»
Reste qu'un porteur en période d'incubation est moins contagieux, d'après la Direction générale de la santé, car il ne tousse pas. «On s'est posé la question de savoir si on pouvait être contagieux en étant asymptomatique. C'est peu probable. Pour l'être, il faut excréter des gouttelettes : tousser, éternuer. Quelqu'un qui n'a pas de symptômes pourrait être porteur mais a peu de moyens de diffuser le virus», assure Jérôme Salomon, le directeur général de la santé. Emma Donada