Le coronavirus a réussi là où des mois de négociations avaient échoué. Ce week-end, dix partis politiques belges se sont accordés pour sortir momentanément le royaume de la crise institutionnelle dans laquelle il était plongé depuis quinze mois. Le gouvernement minoritaire de la Première ministre, Sophie Wilmès, qui gère actuellement les affaires courantes, sera doté par le Parlement des pouvoirs spéciaux pour combattre l’épidémie.
Mais ils ne pourront être utilisés que pour lutter contre la crise sanitaire et ses effets socio-économiques, et ne sont accordés que pour une période de trois mois renouvelable une fois. Le gouvernement ne devrait pas être remanié, pour éviter de créer plus d'instabilité, et restera composé des trois mêmes partis de centre droit. Mais les sept autres formations seront associées aux décisions concernant le coronavirus. Le gouvernement d'affaires courantes a pu fermer les écoles, les bars et les restaurants et interdire les rassemblements, mais se trouve dépassé par les conséquences économiques de l'épidémie. «La notion d'affaires courantes inclut celle d'affaires urgentes. Mais les pouvoirs spéciaux permettent d'aller au-delà des mesures ponctuelles. Ils incluent notamment une dimension d'accompagnement budgétaire, pour éviter le naufrage des entreprises», explique Pierre Vercauteren, professeur de sciences politiques à l'Université catholique de Louvain. Cette solution politique imaginative (les pouvoirs spéciaux n'avaient jamais été accordés à un gouvernement d'affaires courantes) fait suite à six tentatives infructueuses de former une coalition. Déjà sans gouvernement de plein exercice depuis la fin de l'année 2018, le royaume fait face à une scène politique plus éclatée que jamais depuis les élections générales de mai 2019. Aucun parti n'a remporté plus de 20 % des sièges, et les alliances sont compliquées par une forte division entre provinces.
«Rien ne dit que la situation sera débloquée dans six mois, quand la période des pouvoirs spéciaux s'achèvera, note Pierre Vercauteren. Soit les négociations auront enfin abouti et un gouvernement de plein exercice prendra le relais. Soit ce gouvernement minoritaire restera au pouvoir et redeviendra un gouvernement d'affaires courantes, qui ne pourra pas prendre de décisions importantes.» Malgré ce pas fait vers l'union, les partis politiques belges ne semblent en effet pas encore prêts à s'entendre. Le gouvernement d'union nationale qui avait été évoqué ce week-end n'a pas vu le jour.