L'heure est grave. Et non, on ne parle pas du coronavirus mais bien de l'arrêt du tournage d'EastEnders, le soap le plus célèbre, et le plus vu, de la BBC. Certes, la décision a été prise à cause du Covid-19, mais l'impact est énorme, moralement. La petite musique entêtante de son générique est reconnue de tous. Chaque épisode, diffusé quatre fois par semaine à 19 heures, est vu en moyenne par 5 millions de Britanniques, dont pas mal de personnes âgées, par définition de plus en plus isolées ces jours-ci. La crise en cours a contraint la direction de la chaîne à prendre cette mesure drastique. La diffusion est désormais fixée à seulement deux épisodes par semaine pour essayer de la prolonger au maximum avec les épisodes déjà tournés.
Brushings violets
EastEnders est un soap culte, au même titre que son grand rival, Coronation Street – dont l'arrêt des tournages n'a pas encore été annoncé – sur la chaîne privée ITV. Le premier a été créé en 1985 pour rivaliser avec le second, dont le premier épisode a été tourné en 1960. Si l'action d'EastEnders se déroule autour d'une place, Albert Square, dans l'Est de Londres, Coronation Street, qui attire en moyenne 6 millions de téléspectateurs, prend place autour d'une rue éponyme, à Manchester. Mais les héros sont, dans les deux cas, issus de la classe ouvrière ou moyenne. Pas de lords, d'aristos, de chapeaux melon et d'accents pointus. On n'est pas dans Downton Abbey. Ici, on parle un peu bourru, on arbore des brushings violets parfois improbables et on boit de très nombreuses pintes au pub. Bref, on est dans la vraie vie, ou presque.
Ecriture miroir
Il y a les fanatiques d'EastEnders, ceux qui préfèrent Coronation Street, mais ces soaps sont plus qu'un divertissement, ils rythment et reflètent souvent la vie des Britanniques. Comme dans The Archers, autre feuilleton culte au Royaume-Uni, radiophonique et diffusé sur la BBC Radio 4 depuis 1951 (!), et qui se passe dans un village à la campagne, les scénarios tentent de s'adapter à l'évolution de la société. Peu à peu, de nouveaux personnages, d'origines ethniques différentes, ont été introduits dans les feuilletons, reflétant parfaitement l'évolution du tissu social de ces quartiers. Il y a évidemment les éternels méchants et les toujours gentils, on y aborde tous les sujets, les grands classiques comme l'adultère, le mensonge ou la maladie. Mais l'écriture est souvent fine et, au fil des époques, a traité de sujets plus délicats, comme le sida, l'homosexualité, la violence conjugale, le racisme, l'inceste ou la recrudescence actuelle de crimes à l'arme blanche. Parfois, la réalité se reflète en miroir dans le tournage. Ainsi, en novembre 2011, un épisode mettait en scène un des héros, Billy Mitchell, sélectionné pour porter la torche des Jeux olympiques de Londres de l'été 2012. Dans la réalité, Perry Fenwick, son interprète, porta effectivement la flamme olympique pour un jogging dans le décor d'Albert Square.
Aucun doute à avoir, dans quelques mois, l’épidémie de coronavirus figurera en bonne place dans les futurs épisodes.