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Qui face à Trump ?

Biden près du but, coronavirus, mails corrosifs de Trump : une semaine de primaires démocrates

Joe Biden lors d'une pause durant le débat télévisé avec Bernie Sanders, dimanche. (Kevin Lamarque/Photo Kevin Lamarque. Reuters)
publié le 20 mars 2020 à 19h05

Toutes les semaines, Libération fait le point sur l'actualité du marathon électoral qui doit décider du candidat démocrate à la Maison Blanche. Pour lire l'épisode précédent, c'est ici.

Headlines

• Joe Biden a pris cette semaine un avantage probablement irrattrapable sur son rival Bernie Sanders, dans une course à l’investiture démocrate fortement perturbée par le coronavirus.

• L'ancien vice-président a largement remporté les trois Etats qui étaient en jeu mardi : la Floride, l'Illinois et l'Arizona.

• Alors que l’épidémie de Covid-19 progresse aux Etats-Unis, l’Ohio (qui devait voter mardi) ainsi que la Géorgie, la Louisiane, le Kentucky et le Maryland ont décidé de reporter leurs primaires. Dans le Wyoming, les électeurs ne pourront voter que par correspondance. Tous les meetings et événements de campagne sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.

• Dimanche soir, le premier duel télévisé entre Joe Biden et Bernie Sanders avait déjà été largement dominé par la pandémie, les deux hommes critiquant la gestion erratique de la crise sanitaire par l'administration Trump.

• Il reste 43% des délégués à attribuer, mais l'avance d'environ 300 délégués dont bénéficie désormais Joe Biden semble impossible à rattraper pour Bernie Sanders. Aucun scrutin n'est prévu avant le 4 avril désormais, en attendant d'éventuels reports supplémentaires. F.A.

Greetings from… New York

Chaque semaine, le billet de notre correspondante aux Etats-Unis, Isabelle Hanne.

Cela aura sans doute échappé à tout le monde, mais il restait une femme en lice pour les primaires démocrates, pourtant décrites depuis trois semaines comme le duel Biden-Sanders que l'on connaît. Si si, la preuve : cette élue au Congrès de 38 ans a annoncé jeudi mettre fin à sa campagne. Et apporter son soutien, pas complètement enthousiaste, à Biden : «Bien que je ne sois pas d'accord sur tous les sujets avec le vice-président, je sais qu'il a bon cœur et qu'il est motivé par son amour de notre pays et des Américains», a déclaré Tulsi Gabbard. La représentante d'Hawaï, réserviste de la Garde nationale, avait soutenu Sanders lors de sa campagne 2016 face à Hillary Clinton.

Accusée par cette dernière, sans preuve, d'être «la favorite des Russes», Tulsi Gabbard est une figure pour le moins contestée du parti. Elle s'était notamment entretenue à la Trump Tower avec le président-élu homonyme, en novembre 2016. Quelques mois plus tard, elle avait rencontré Bachar al-Assad lors d'un voyage secret en Syrie – une mission d'observation pour «vérifier les faits», se justifiera-t-elle plus tard. A l'inverse de l'écrasante majorité des élus de son parti, elle avait refusé de voter en faveur de l'impeachment de Trump en décembre à la Chambre, se contentant de se dire «présente».

Gabbard, qui n'a fait que des scores anecdotiques dans ces primaires, n'avait pas mis les pieds sur l'estrade d'un débat télévisé depuis l'an dernier, faute de répondre aux critères de qualification édictés par le Parti démocrate. L'élue d'Hawaï a tout de même réussi l'exploit de grappiller deux délégués, dans les Samoa américaines, un archipel du Pacifique sud où elle est née. I.Ha.

Backgrounds

Plus que jamais distancé par Joe Biden, Bernie Sanders se retrouve sous pression pour abandonner les primaires démocrates dans ce contexte de pandémie mondiale. Selon les médias américains, les équipes de campagne du sénateur du Vermont et de Biden sont ainsi en contact régulier depuis la semaine dernière. La directrice de communication de l'ex-vice-président, Kate Bedingfield, a ainsi expliqué que les discussions portaient notamment sur la façon dont le coronavirus affecte les élections. La chargée de com a indiqué que les deux camps «travaillent ensemble pour essayer de préserver la santé et la sécurité de leurs équipes», mais selon un membre de l'équipe de campagne de Sanders cité par CNN, les deux candidats ne participent pas à ces conversations et n'échangent donc pas. Le Covid-19 pourrait-il pousser Sanders à changer de stratégie par rapport à 2016 ? A l'époque, son grand nombre de délégués l'avait poussé à rester dans la course jusqu'au bout afin d'influencer le programme présidentiel de son adversaire.

Joe Biden, lui, profite de son avance pour la jouer rassembleur. Il a ces derniers jours repris quelques propositions venues de sa gauche, c'est-à-dire d'Elizabeth Warren voire de Bernie Sanders. Ce dernier a lui mis sur pause ses spots de campagne à la télévision et sur Facebook, preuve que l'heure n'est plus à l'opposition frontale entre les deux démocrates. Mais son dircom, Mike Casca, a rejeté tout retrait de sa candidature pour le moment. «Le sénateur Sanders va parler avec ses partisans pour évaluer sa campagne», a déclaré son directeur de campagne, Faiz Shakir, au Washington Post. En rappelant que «la prochaine primaire et au moins dans trois semaines», après le report des votes dans plusieurs Etats à cause du coronavirus. Si ce n'est plus… B.F.

Election Day

Bon débarras. Le plus conservateur des démocrates à la Chambre des représentants a (enfin) été battu mardi lors des primaires par une candidate très marquée à gauche – car les primaires ne concernent pas que la Maison Blanche ! Dan Lipinski, 53 ans, représente depuis 2005 le 3e district de l'Illinois, englobant les banlieues ouest et sud-ouest de Chicago. Un siège hérité de son père, Bill, qui l'avait occupé pendant plus de deux décennies. Dans cette circonscription fidèle aux démocrates, la future congresswoman se nomme Marie Newman. Consultante et fondatrice d'une ONG anti-harcèlement, elle avait échoué de peu à battre Lipinski en 2018. Sa seconde tentative a été la bonne, grâce notamment au soutien appuyé de toute la galaxie progressiste aux Etats-Unis : Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez, les organisations Sunrise Movement (jeunes activistes climatiques), Justice Democrats ou Emily's List (défense du droit à l'avortement)…

Newman l'emporte avec 47,1% des voix, sans doute aidée par l'abstention d'électeurs âgés inquiets du coronavirus. Au fil de ses huit mandats, Lipinski était peu à peu devenu un paria dans son parti, dont il combattait régulièrement les positions, en particulier sur les sujets de société. Anti-avortement, opposé au mariage homosexuel, à la réforme de la santé d'Obama ou à l'augmentation du salaire minimum, il avait même refusé de soutenir en 2012 la candidature de Barack Obama à un second mandat. F.A.

Top charts

Joe Biden sera le candidat démocrate à la Maison Blanche en novembre. Mais il a un problème. Scrutin après scrutin, l’ancien «VP» de Barack Obama bat Bernie Sanders, parfois très largement, comme mardi dernier en Floride (quarante points d’avance) ou en Illinois (25 points). Mais, scrutin après scrutin, il échoue à battre son adversaire dans un secteur clé de l’électorat : les jeunes, pris dans un sens large qui plus est. Les chiffres de mardi en attestent encore : pourtant très loin sur l’ensemble des électeurs, Sanders a fait jeu égal en Floride parmi les moins de 45 ans, et il a assez nettement dominé Biden chez les moins de 25 ans, peu nombreux à s’être déplacés. En Illinois, c’est «pire» : Sanders est assez largement devant chez les moins de 45 ans et Biden se prend une méchante tôle chez les 24 ans et moins.

La très nette domination de Biden parmi l'électorat âgé (73% des voix chez les plus de 65 ans en Floride, contre 9% pour Sanders) lui suffit pendant ces primaires démocrates. Mais en novembre ? Biden en a conscience, et il multiplie depuis le Super Tuesday du 4 mars les appels du pied aux supporteurs de Bernie Sanders, partant du principe que c'est parmi eux que se trouvent les jeunes qui ne le soutiennent pas. Après ses succès de mercredi, il leur a encore tendu la main. «Aux jeunes électeurs qui ont été inspirés par le sénateur Sanders, je veux dire : je vous entends, je sais ce qui est en jeu.» Sera-t-il cru et entendu ? Cela dépendra sans doute en partie du cœur avec lequel Bernie Sanders le soutiendra, lui qui répète de son côté depuis le Super Tuesday que sa «priorité» est de «battre Donald Trump» en novembre. B.B.

Trump World

En ces temps de coronavirus, Donald Trump a enfin semblé endosser lundi le costume de président rassembleur, exhortant les Américains à se mobiliser «en tant que nation» et se félicitant de la «bonne entente» avec démocrates et républicains dans le combat contre l'épidémie. La politique, toutefois, n'a pas disparu par enchantement (il continue de commenter allègrement les primaires démocrates). Pas plus que la rhétorique toxique du Président, comme le prouvent les mails envoyés cette semaine par sa campagne. Aucun n'a fait référence au Covid-19 (que Trump appelle «virus chinois») ou à la stratégie (très critiquée) de la Maison Blanche pour y faire face. La plupart, en revanche, tapent allègrement sur Joe Biden et Bernie Sanders.

Vendredi dernier, deux jours avant le débat télévisé entre les deux candidats démocrates. Objet du mail : «Etes-vous un Américain ou un Socialiste ?». Sur Biden : «Le Président Trump et Joe Biden n'ont absolument RIEN en commun. Le Président Trump veut réduire vos impôts, sécuriser nos frontières et PRÉSERVER LA GRANDEUR DE L'AMÉRIQUE. Joe veut augmenter vos impôts, ouvrir nos frontières et mettre à bas l'Amérique.» Sur Sanders : «Un SOCIALISTE (QUI VEUT UN) GROS GOUVERNEMENT et déteste tout ce qui représente l'Amérique.»

Le mail s’accompagne d’un sondage. Qui, est-il demandé aux partisans de Trump, sortirait vainqueur d’un hypothétique débat entre les trois hommes : le «Président Trump» (réponse en rouge, pour éviter toute erreur), Crazy Bernie ou Sleepy Joe ?

Capture d'écran d'un mail envoyé par la campagne de Donald Trump, le 13 mars 2020

Dimanche, rebelote, à quelques heures du débat organisé par CNN : «Pour la première fois, le peuple américain va pouvoir regarder ces deux losers s'affronter à la télévision nationale et débattre de qui serait le PIRE pour l'Amérique. J'ai hâte. LE DÉBAT DE CE SOIR OPPOSERA LE SOCIALISME A L'INCOMPÉTENCE.»

Comme à chaque fois, le mail s'accompagne d'un appel aux dons : «Le président Trump dépend de vous. Bientôt, les Démocrates corrompus vont désigner leur nominé pour la présidentielle, et nous devons nous assurer d'être prêts à nous battre pour NOTRE Président à tout prix. Nous enverrons au Président Trump une liste de chaque Patriote qui contribue, et nous voulons qu'il y voit VOTRE nom.» F.A.