Bien souvent à Tel-Aviv, l’«Arabe du coin» n’est pas épicier mais pharmacien. L’émergence d’une minorité palestinienne à la fois intégrée, surdiplômée et indispensable au fonctionnement de l’Etat n’a jamais été aussi flagrante qu’au temps du Covid-19, coïncidant avec la montée en puissance des députés arabes, devenus faiseurs de roi à la Knesset.
Si «les Arabes ne font pas partie de l'équation» au Parlement, comme l'a déclaré le Premier ministre Benyamin Nétanyahou, dans les couloirs des hôpitaux, personne n'imagine faire sans eux. Selon les chiffres du ministère de la Santé, 17 % des médecins du pays, 25 % des infirmières et près de 50 % des pharmaciens sont arabes, lesquels représentent environ 20 % de la population israélienne.
«Pendant que le Premier ministre nous traite de terroristes ou de complices, nous sommes des milliers à sauver des vies», s'insurge Abed Satel, directeur du département d'obstétrique du centre hospitalier Sourasky de Tel-Aviv.
A l'hôpital Hillel Yaffe de Hadera, dans le nord du pays, c'est un Palestinien d'Israël, Jamil Moshen, qui a pris la tête du «service coronavirus» monté à la hâte. Le directeur de l'hôpital, Mickey Dudkiewicz, dit ne «jamais se poser la question de qui est arabe ou qui est juif, que ce soit pour les médecins ou les patients». Les témoignages de soignants palestiniens rejetés par certains patients juifs ? Rarissime, assure-t-il : «On a tous le même sang et, dans le cas du virus, les mêmes poumons. Pendant la seconde intifada, nos médecins arabes soignaient les victimes juives des attentats…» La lutte contre la pandémie fera-t-elle tomber quelques barrières entre Juifs et Arabes ? Quand Nétanyahou a proposé à son principal opposant, Benny Gantz, de former un gouvernement d'union sacrée «anticoronavirus», l'ex-général qui bombarda Gaza a répondu en exigeant que les partis arabes en fassent partie. Micro-séisme politique qui a fait écrire au romancier David Grossman que, «parfois, au milieu des ténèbres, surgit un point de lumière».
En Israël, plus de 1 600 cas de coronavirus ont été dépistés, avec 2 morts recensés. Le Covid-19 a fait sa première victime ce week-end, un octogénaire de Jérusalem qui avait survécu à la Shoah.