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Pandémie

Report des JO, menace de confinement... Tokyo entre dans une «phase critique»

Face à une «possible explosion du nombre de cas de coronavirus dans la capitale», la gouverneure demande un confinement au moment où le gouvernement travaille sur le scénario d'un état d'urgence nationale.
Yuriko Koike, mercredi à Tokyo. (STR/Photo STR. Jiji Press. AFP)
par Karyn Nishimura, correspondante à Tokyo
publié le 26 mars 2020 à 13h27

Changement de ton soudain à Tokyo. Mercredi, au lendemain de la décision de report des Jeux olympiques initialement prévus en juillet, la gouverneure de la capitale japonaise, Yuriko Koike, convoque une «conférence de presse urgente» en toute fin de journée. «Nous sommes dans une phase critique avant une possible explosion du nombre de cas de coronavirus à Tokyo, une phase critique», insiste, alarmiste, cette ancienne présentatrice de la télévision. Et de menacer de confinement la mégalopole de 13 millions d'habitants (plus de 35 millions si l'on compte les préfectures limitrophes) «si on n'agit pas massivement maintenant».

Elle recommande «de travailler à domicile quand c'est possible, d'éviter les sorties nocturnes même en petit groupe». Alors que le Japon traverse la belle saison des cerisiers en fleurs où l'on va généralement pique-niquer en groupes dans les parcs, elle préconise «de ne pas sortir ce week-end hors urgence ou nécessité particulière».

Les organisateurs de grands événements sont invités à y renoncer. Les habitants des localités alentour sont priés de ne pas venir dans la capitale sans impérieuse nécessité. Un appel à limiter ses activités voire à s’autoconfiner ne s’est jamais fait aussi pressant dans cette mégapole.

Elever le ton

Si Yuriko Koike a soudain senti la nécessité d’élever le ton, c’est parce que le nombre de nouveaux cas déclarés à Tokyo commence à grimper. Jusqu’à mardi, la hausse la plus importante relevée en vingt-quatre heures était de 17 personnes mais, mercredi, 41 ont nouvellement été testées positives.

Ce jeudi, ce sont 47 nouveaux cas de Covid (sur 95 tests, un chiffre qui suscite d'ailleurs de nombreuses questions sur la qualité du dépistage), ce qui porte le total à 259 selon la gouverneure. Yuriko Koike s'active. Elle dit avoir rencontré ce jeudi le Premier ministre, Shinzo Abe, «pour demander que les mesures barrières soient appliquées au niveau national». Selon le professeur Masahiro Kami, patron de l'Institut de recherche sur la gouvernance médicale, ce n'est «probablement qu'une partie du total des cas».

Jusqu’à présent, le Japon paraît relativement épargné par la pandémie de coronavirus : à la date de mercredi, on dénombrait dans tout le pays un total de 1 292 cas (45 décès), ce en l’espace de deux mois et demi depuis qu’a été recensé le premier malade.

Rapport alarmant

Comme le répète le professeur Shigeru Omi, un des membres du comité scientifique qui conseille le gouvernement, «ce que l'on voit aujourd'hui dans les chiffres, c'est en fait la situation de contamination d'il y a deux semaines, compte tenu de la période d'incubation». Jusqu'à présent, Shigeru Omi insistait sur la faible contagion mesurée au Japon. Mais là aussi, au fil des jours, le discours évolue. «Il est très probable que le virus soit en train de se propager», ont écrit jeudi dans un rapport les experts auprès du gouvernement.

Le ministre de la Santé a demandé aux gouverneurs de toutes les régions de préparer davantage les structures médicales à un possible afflux de malades. Et signe d'une inquiétude des autorités, le Premier ministre a installé jeudi une cellule gouvernementale dédiée.

La prochaine étape pourrait être la déclaration d'un état d'urgence national. «Parce que cela aurait un impact significatif sur la vie de nos concitoyens, nous ne prendrons ce type de décision qu'avec une extrême prudence. Pour le moment, il n'y a pas lieu d'activer cet état d'urgence», a cependant déclaré jeudi matin le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga.