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Libération

Le Mexique, seul pays à inciter la population à sortir de chez elle

publié le 27 mars 2020 à 19h06

«N'arrêtez pas de sortir ! Allez au restaurant !» Les propos d'Andrés Manuel López Obrador (dit «Amlo») tenus lundi placent le Mexique à contre-courant des politiques de restriction mises en place dans le reste du monde. Le président de gauche a multiplié les signes de déni à l'égard de la crise du coronavirus : bains de foule, refus d'utiliser un gel antibactérien, conférence de presse quotidienne qui peut durer plus de deux heures…

La vidéo est devenue virale. Jeudi, il racontait à la presse son entretien de la veille, par visioconférence, avec les autres membres du G20 : «J'ai exprimé la solidarité du peuple mexicain avec les peuples du monde qui souffrent de la pandémie.» Comme s'il en excluait son pays… L'épidémie a fait son premier mort mercredi au Mexique (le bilan est passé à six, jeudi). Saisi par une ONG, un juge fédéral a même ordonné au Président de prendre des mesures préventives pour détecter les personnes infectées. Et donné vingt-quatre heures aux autorités pour en informer la population. Amlo justifie sa déroutante stratégie par son souci de préserver une économie en récession, fragilisée par la chute du cours du pétrole. Un confinement strict de la population priverait en effet de ressources les nombreux Mexicains qui tirent leur subsistance du travail de la rue. Un large secteur informel (56 % des actifs) privé de toute protection sociale.

Indifférent aux critiques, le Président assure qu’il a un plan anti-coronavirus qui comprend la participation de l’armée, et que son gouvernement se charge de faire de la place dans les hôpitaux et d’acquérir matériel et médicaments. Tout sera prêt, jure-t-il, quand il décidera des mesures restrictives.

Face à ce comportement, la population a pris les devants pour affronter le Covid-19. Le secteur de l’enseignement n’a pas attendu une décision politique pour fermer écoles et universités. Le championnat de foot et la plupart des théâtres ont interrompu leurs activités. De plus en plus de commerces ont cessé d’ouvrir. Ceux qui résistent sont quasiment vides. Dans le centre de Mexico, qui d’habitude fourmille de monde, les terrasses des cafés sont désertes.

Certains comparent la situation avec le tremblement de terre de 1985 (10 000 morts), quand la société civile, n’attendant aucun secours de la part du gouvernement corrompu, s’était auto-organisée pour survivre.