C'est une lettre indignée que le docteur Nicola Mumoli, directeur de l'hôpital lombard de Magenta qui accueille plus de 130 malades du coronavirus, a adressée le 20 mars au quotidien Corriere della Sera : «Les citoyens lambda, y compris les médecins et les infirmiers, sont ignorés quand ils demandent d'être soumis au test de dépistage du coronavirus et cela alors que la presse regorge de nouvelles sur les bonnes conditions de footballeurs, d'acteurs et de politiciens à qui on a fait le prélèvement […]. La déduction de chacun est inévitable : derrière la grande solidarité avec le personnel médical, les banderoles, les bonnes paroles, il n'y a en fait que discrimination et hypocrisie.» Dans le sillage du médecin, l'association des consommateurs Condacons a saisi la justice, dénonçant le manque de tests et des passe-droits pour certaines personnalités.
Avec près de 100 000 cas recensés et plus de 10 000 morts depuis le début de l’explosion de l’épidémie fin février, l’Italie a effectué environ 400 000 tests, avec une moyenne de 23 000 examens par jour dans la dernière semaine, mais seulement quelques milliers au début de la crise. Ce qui a provoqué des polémiques portées tant par le personnel médical que par certains responsables politiques, dont le président de la région de Vénétie, Luca Zaia.
«Foyers»
Dès le départ, et contrairement aux recommandations nationales préconisant de tester uniquement les malades présentant plusieurs symptômes (fièvre, toux, difficultés respiratoires, etc.), celui-ci a décidé de multiplier les dépistages auprès des patients suspects. En un peu plus d'un mois, la seule Vénétie a ainsi effectué 70 000 tests, allant même jusqu'à contrôler toute la population de Vo'Euganeo (Libération du 22 mars), une commune de 3 300 personnes, près de Padoue, où le premier mort du Covid-19 en Italie avait été enregistré, le 21 février. Jusqu'à présent, grâce à un dépistage plus précoce et à l'isolement des malades, y compris les asymptomatiques (16 000 personnes au total), la Vénétie a relativement réussi à contenir l'épidémie : moins de 8 000 cas et 362 décès, contre 40 000 cas et près de 6 000 morts pour la Lombardie voisine (qui compte néanmoins le double de population). «La Vénétie a eu la chance de ne pas avoir de multiples foyers épidémiques, souligne toutefois le journaliste médical du quotidien La Stampa Paolo Russo. Etendre le dépistage aux asymptomatiques fonctionne quand le nombre de malades est encore contenu. Quand il est déjà très répandu comme en Lombardie, ce n'est plus possible. Ce n'est plus une question de tests disponibles, mais de capacité à les analyser et à diagnostiquer la maladie.» «Nous avons beaucoup de tampons pour effectuer des tests, a d'ailleurs reconnu la semaine dernière le conseiller régional de Lombardie en charge des affaires sociales, Giulio Gallera. Nous en avons déjà fait 60 000 et nous en avons commandé environ un million et demi.»
Traçage
La polémique sur la vente d'un demi-million de tests par la Copan, une entreprise privée de Brescia (Lombardie), au gouvernement américain (qui a envoyé un avion de l'US Army pour les transporter) est ainsi vite retombée. «Au cours des dernières semaines, nous avons livré plus d'un million de tampons pour effectuer des prélèvements aux hôpitaux italiens», a précisé la société, insistant sur le fait «qu'en Italie, il ne manque pas de tests». Mais plutôt de laboratoires et de personnel pour les analyser. Le gouvernement italien étudie néanmoins sérieusement la question d'étendre le dépistage aux asymptomatiques et de le coupler avec des systèmes de traçage des patients sur le modèle sud-coréen pour sortir de la crise, lorsque le pic de l'épidémie sera surmonté. De son côté, le président de la Vénétie, Luca Zaia, a prévu d'augmenter les prélèvements à 20 000 par jour pour effectuer des contrôles systématiques en commençant par le personnel de santé et des maisons de retraite puis les caissiers des supermarchés, les pharmaciens et les forces de l'ordre.