A Stockholm ce week-end, les citadins arpentaient toujours les rues. Alors qu'un tiers de la population mondiale est confinée, les Suédois sont encouragés à limiter leurs déplacements, mais n'y sont pas obligés. L'épidémiologiste en chef Anders Tegnell, sur les épaules duquel repose cette stratégie, compte sur la responsabilité individuelle et la capacité de chacun à comprendre les nuances de ses recommandations. Les restaurants peuvent continuer à servir, hormis au bar. Les écoles primaires sont ouvertes, mais en moyenne un quart des élèves ont déserté les classes, un absentéisme condamné par l'Etat. Et les interdictions, comme celle des rassemblements de plus de 50 personnes, sont rares.
Sauf que les signes d'une détérioration rapide de la situation se multiplient : dans la capitale suédoise, au moins un tiers des maisons de retraite sont contaminées et les services de soins intensifs sont sur le point d'être saturés. Dimanche, la Suède recensait 6 830 malades et 401 décès. «Nous allons compter les morts par milliers. Autant s'y préparer», a annoncé vendredi le Premier ministre, Stefan Löfven.
Son gouvernement minoritaire de centre gauche a dégainé une «loi d'urgence». Elle lui permettrait d'ordonner, sans vote du Parlement, la fermeture des transports, restaurants ou salles de sport. L'Etat pourrait aussi distribuer médicaments et équipements de protection, alors que l'inquiétude et la colère du corps médical grandissent face à la confusion entre les autorités régionales et nationales sur ce point. Une première dans un pays doté d'un système politique très décentralisé et destiné à empêcher les abus et limiter le pouvoir de l'Etat. Cet état d'urgence, qui n'existe pas dans le droit suédois, doit certes être validé par le Parlement. Et ses effets seraient limités à trois mois, à compter de sa promulgation, prévue d'ici le 18 avril. Il fait pourtant l'objet d'âpres débats. «Si on abandonne une partie de la démocratie maintenant, on ne sait jamais quand on la récupérera», soutient Jens Holm, député du Parti de gauche. Après les critiques de l'opposition de tous bords, une clause a été ajoutée ce week-end. Elle donne au Parlement un droit de veto sur les décisions du gouvernement. Mais a posteriori.