Professeur émérite des universités et chercheur au CNRS, spécialiste de l’Amérique latine, Pierre Salama estime que la pandémie de Covid-19, au-delà de ses effets sur la santé et sur la vulnérabilité des plus faibles, va démultiplier les nombreuses crises qui affectaient déjà la plupart des pays du continent.
La pandémie provoque une crise d’une ampleur inégalée dans le monde : partout la production chute, le chômage enfle, les revenus baissent. Que pensez-vous des réponses qui y sont apportées pour l’instant ?
Ce que l’on voit dans l’immédiat, ce sont parfois des gouvernements qui interviennent fortement, bousculent les principes sacrés auxquels ils se rattachaient hier. Ainsi en est-il de l’ampleur des déficits publics, de la prise en charge du chômage partiel par les Etats, des nationalisations possibles dans des secteurs considérés comme stratégiques… Et demain, probablement, ces gouvernements qui, hier encore, étaient adeptes d’une intervention de moins en moins importante de l’Etat dans l’économique et d’un alignement des services publics sur les règles du marchand, accepteront de déroger à ces règles et penseront à redéfinir les frontières entre le marché et l’Etat afin de retrouver un minimum de souveraineté sanitaire, voire de manière plus large, industrielle, si toutefois nous sommes capables de leur rappeler. Nous sommes confrontés à une crise manifeste de la globalisation.
L’ironie de l’Histoire est que la crise de la globalisation est arrivée là où aucun économiste, aucun sociologue, aucun politique ne l’avaient prévue ?
Aucun. Même si dès à présent certains tentent de faire croire qu’eux l’avaient prévue