L'épidémie de nouveau coronavirus a fait au moins un heureux : face aux nouveaux impératifs de la gestion carcérale, l'ex-dictateur tchadien Hissène Habré, définitivement condamné à la réclusion à perpétuité en 2017 pour «crimes contre l'humanité», a quitté lundi soir sa prison. Transféré, officiellement pour deux mois seulement, dans sa résidence de Dakar au Sénégal. Il «n'a pas été libéré, c'est simplement le lieu de détention qui a changé», a martelé le président sénégalais, Macky Sall. Mais pour les victimes de l'ex-homme fort du Tchad, au pouvoir de 1982 à 1990, cet aménagement de la peine, imposé par l'épidémie, laisse un goût amer. Et nourrit bien des inquiétudes. Dictateur cruel et sanguinaire, accusé d'être responsable de la mort d'au moins 40 000 personnes, Habré avait été jugé à partir de 2015, au Sénégal, où il s'était réfugié après sa chute du pouvoir, lors d'un procès historique. Son transfert en résidence surveillée ne remet pas en cause cette victoire contre l'impunité. Il permet cependant d'en souligner les lacunes. Comme l'explique Reed Brody, expert auprès de l'ONG Human Rights Watch, qui a joué un rôle de premier plan dans cette longue bataille juridique. Confiné chez lui à Barcelone dans une Espagne endeuillée par la pandémie, il a livré ses impressions à Libération.

Il va falloir rester très vigilant. Déjà la semaine dernière, nous avions publié un communiqué, avec les associations de victimes, parce que l’idée de ce transfert