Et si l'Espagne, un des pays les plus touchés par la pandémie, l'était en fait bien davantage que ce que disent les chiffres officiels (plus de 15 000 morts et 152 446 contaminés jeudi) ? C'est une conviction partagée par la majorité des experts, dont la Société espagnole d'épidémiologie, selon laquelle plus de 90 % des cas de contagion ne seraient pas comptabilisés par les estimations du ministère de la Santé. Les deux motifs principaux en sont le nombre dérisoire de tests effectués à ce jour, ainsi que le fait que seuls les morts ayant été préalablement donnés «positifs» au virus ont été comptabilisés. Allant dans ce sens, l'Institut de Santé Carlos-III estime qu'en réalité, 5 % de la population espagnole - soit 2,3 millions de personnes - serait affectée par le virus, de façon grave, légère ou asymptomatique. L'agglomération de Madrid, par exemple, pourrait être contaminée à 40 % et présenter 3 000 décès non comptabilisés. Conscient de cette réalité et disposant enfin de millions de tests achetés à des entreprises chinoises, le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez a changé sa stratégie, qu'il entend désormais baser sur le dépistage le plus large possible, en commençant dès la semaine prochaine par les populations les plus exposées (soignants, forces de l'ordre). Les causes de cette surmortalité font par ailleurs débat. Outre une population vieillissante, - 8 millions d'Espagnols ont plus de 65 ans -, le sociologue Enrique Gil Calvo signale dans le quotidien El País le fait que 90 % des 20-24 ans vivent chez leurs parents : «Les jeunes Espagnols précarisés contaminent malgré eux leurs parents et ces grands-parents qui s'occupent de leurs petits-enfants. Un modèle latin certes convivial, mais létal.»
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